La dame de chez Maxim : Micha Lescot et Anne Rotger au top de leur talent

C’est sans doute la pièce la plus connue de Georges Feydeau, et aussi la plus longue. Créée en 1899 au Théâtre des Nouveautés non loin de la Porte Saint-Martin, elle ne cesse depuis lors de remplir les salles du monde entier. A redécouvrir au Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris avec Micha Lescot et Anne Rotger.


Petit rappel des faits…
Le Docteur Petypon se réveille le matin avec une affreuse gueule de bois et une femme inconnue dans son lit. Il découvre bien vite qu’il s’agit de la Môme Crevette, une danseuse du Moulin Rouge qu’il a rencontrée chez Maxim et qu’il a, semble-t-il, ramenée chez lui après une soirée très arrosée dont il n’a plus aucun souvenir.
 
Il s’apprête à la chasser quand arrive le Général, son oncle, qui revient d’un long voyage en Afrique et qui prend la Môme pour son épouse. Les choses se compliquent encore pour le Docteur, quand rentre Madame Petypon, la vraie…
 
Il s’en suit une longue série de quiproquos et rebondissements tous plus hilarants les uns que les autres, qui nous emmènent au second acte dans un château en Touraine, puis à nouveau à Paris, au dernier acte. Tout rentrera finalement dans l’ordre, un ordre dans la conception de Feydeau en tout cas.
 
Jean Robert-Charrier, directeur du théâtre, a confié la mise en scène à Zabou Breitmann, qui avait déjà fait ses preuves il y a quelques années à la Comédie Française en montant « Le Système Ribadier », du même Georges Feydeau.
 
Elle nous donne de cette Dame une version rajeunie, raccourcie aussi dans un spectacle qui dure environ deux heures et qui nous entraîne hors du temps. Ici, point de portes qui claquent comme on en a vu souvent, le rythme provient essentiellement  du jeu des comédiens eux-mêmes. C’est que notre Zabou a su s’entourer d’un quatuor de choc pour les rôles principaux.
 
Léa Drucker, habituée des planches et particulièrement de celles-ci à la Porte Saint-Martin, est comme un poisson dans l’eau dans le rôle de la Môme. Elle a la gouaille qui convient, sans en faire trop dans la vulgarité. Et son célèbre « Allez donc, c’est pas mon père » est dit, et redit, mais sans emphase inutile.
 
André Marcon a la stature et le ton qui conviennent à un  Général, mélange de dignité militaire et de rondeur du bon vivant. Présent en scène du début à la fin, il sait donner toute son énergie pour mener à bien l’action théâtrale jusqu’à son terme.
 
Mais c’est le couple Petypon qui est la grande révélation de cette production. C’est avec un immense plaisir qu’on revoit Micha Lescot, dont on a encore en mémoire la prestation dans « Tartuffe » aux Ateliers Berthier il y a quelques années.
 
On ne se lasse pas tout au long du spectacle de le voir promener sa silhouette longiligne sur la scène, et de l’entendre dire son texte avec un mélange de fougue et de nonchalance, allant parfois jusqu’à bafouiller en rougissant, comme un gamin pris en faute.
 
Ce n’est plus le bourgeois de la Belle Epoque, pas encore un homme de notre temps, c’est un un Petypon inédit,  pure création intemporelle, produit de l’alchimie qui, d’évidence fonctionne si bien entre le comédien et la metteuse en scène.
 
Son épouse n’est pas en reste. Le rôle est confié à Anne Rotger, qu’on avait vue récemment sur cette scène dans la pièce de Joël Pommerat « Fin de Louis ». Petite bonne femme fluette mais tenace, elle apporte à son personnage un côté à la fois loufoque et lunaire, se déplaçant sur scène à pas glissés, dans une diction affirmée, parfois aussi irréelle que les spectres qu’elle convoque. Du talent pur.
 
Elle et son mari sont haut coiffés de cheveux à la punk qui rajoutent encore dans ce côté décalé, les rendant en fin de compte plus complices qu’on ne l’imagine d’habitude.
 
Le reste de la distribution -une bonne douzaine d’acteurs au total- contribue à l’indéniable succès de cette production.
 
En plus de cette direction d’acteurs exemplaire, la mise en scène regorge de trouvailles. Les scènes mythiques comme l’apparition des Séraphins, la machine extatique ou l’accueil des Pompiers sont parfaites. En bonus on a même droit à une originale scène de combats de doigts.
 
Depuis Conchita Wurtz les femmes à barbe sont à l’honneur, c’est peut-être ce qui a inspiré Zabou pour ses bourgeoises tourangelles, y compris la Duchesse elle-même, jouée par Reinhardt Wagner qui a composé la musique originale.
 
Une fois de plus la grande scène de ce théâtre est utilisée à plein, avec un gros travail de machinerie et des changements de décor à vue qui nous restituent au dernier acte, l’appartement de Petypon biscornu, comme si le monde avait changé. On sort de là tout regaillardis, prêts à affronter l’automne parisien qui pointe déjà son nez…

Alex Kiev

« La Dame de chez Maxim » de Georges Feydeau
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin 
75010 Paris

du mardi au vendredi 20h samedi 20h30 dimanche 16h

Publié le 23/09/2019 à 01:00 | Lu 4608 fois