L’innovation pharmaceutique doit s’efforcer de répondre aux besoins des seniors

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les pays de l’Union européenne comptent plus d’habitants seniors (65 ans et plus) que de jeunes de moins de 15 ans. Faisant écho à la tendance observée en Europe, le reste du monde, y compris des pays à revenu faible ou intermédiaire, évolue majoritairement dans une direction similaire, notamment la Chine. Un nouveau rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) appelle les chercheurs dans le domaine pharmaceutique à adapter les efforts de recherche-développement pour tenir compte de ce glissement démographique.


Le rapport en question, intitulé « Priority Medicines for Europe and the World », souligne que ce glissement intervenant dans les pays de l’UE est un « indicateur de tendance » pour le reste du monde, car à l’échelle planétaire également, de plus en plus d’individus vont vieillir et être confrontés dans l’avenir à des défis sanitaires similaires.
 
Plus précisément, ce rapport est axé sur les « lacunes » de l’offre pharmaceutique, c’est-à-dire les secteurs où les traitements contre une maladie ou une affection ne sont déjà plus efficaces, ne conviennent pas au groupe de patients visé, n’existent pas ou ne sont pas suffisamment efficaces...
 
« Même si les dépenses en recherche et développement dans le domaine pharmaceutique ont plus que triplé en Europe depuis 1990, il existe un décalage grandissant entre les besoins réels des gens et l’innovation en termes de médicaments. Nous devons nous assurer que l’industrie pharmaceutique met au point des médicaments sûrs, abordables, efficaces et appropriés pour répondre aux besoins sanitaires futurs » a déclaré à cette occasion Nina Sautenkova du service Technologies de santé et produits pharmaceutiques, OMS/Europe.
 
Naturellement, du point de vue de la santé publique, la tendance au renforcement de la tranche des plus de 65 ans entraîne une plus grande prévalence des maladies et des affections associées au vieillissement telles que les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les cancers, les diabètes, l’arthrose, les douleurs lombaires, la perte d’audition et la maladie d’Alzheimer… En plus des initiatives visant à promouvoir la santé et à prévenir les maladies, ces affections requièrent des investissements plus importants dans la recherche et l’innovation pour combler les lacunes pharmaceutiques.
 
Or, depuis la publication de la première version du rapport en 2004, les progrès ont été mitigés... Les patients, et en particulier les personnes âgées, doivent souvent prendre des médicaments contre plusieurs infections chroniques à la fois. Néanmoins, la recherche et les directives thérapeutiques semblent plus axées sur les maladies que centrées sur le patient.
 
« Plusieurs essais à petite échelle d’associations médicamenteuses ont été entrepris, mais aucune étude à grande échelle n’a été mise en route. Comme exemple de telles associations, on peut mentionner les polypilules à doses fixes contre les cardiopathies ischémiques (ou ischémies du myocarde) », indique Kees De Joncheere, Directeur, Département Médicaments essentiels et produits sanitaires, OMS. Et d’ajouter : « malgré certains résultats prometteurs avec les essais à petite échelle, nous devons investir dans des essais de grande ampleur pour recueillir des éléments permettant de déterminer si nous pouvons obtenir des formulations adaptées, et pour mettre ces études en pratique en vue de sauver davantage de vies ».

Outre les affections liées au vieillissement, le rapport identifie un certain nombre d’autres thèmes importants sur lesquels devra se pencher la recherche pharmaceutique. Disposer de davantage de médicaments ne nécessitant pas d’être conservés au froid, comme l’insuline thermostable pour les diabétiques. Cela permettrait d’améliorer considérablement les services de santé dans les pays n’ayant pas un accès continu à la réfrigération.
 
Comme indiqué dans le rapport de 2004, la résistance grandissante des germes courants aux médicaments employés pour les traiter, également appelée résistance aux antimicrobiens, menace de rendre impossibles de nombreuses interventions médicales actuelles. Il existe un besoin urgent non seulement de préserver l’activité des médicaments existants, mais aussi de mettre au point de nouvelles options.
 
Parmi les points soulignés dans ce rapport, figurent d’autres facteurs critiques pour l’innovation pharmaceutique, comme l’optimisation des systèmes de réglementation régissant les autorisations de mise sur le marché; l’adoption de politiques efficaces de fixation des prix et de remboursement pour créer des incitations ; et l’intérêt des registres médicaux électroniques existants dans l’obtention de données utiles pour améliorer l’innocuité et l’efficacité des médicaments. Au sein de l’Europe, il existe des mouvements en faveur de l’adaptation des procédures d’autorisation et de la fixation des prix en fonction de l’utilité des médicaments qui pourraient faire évoluer l’accès aux nouveaux produits et les incitations à les développer. La nécessité d’une implication à bon escient des patients et des citoyens dans l’innovation pharmaceutique et l’accès aux médicaments a été soulignée.

Publié le 31/07/2013 à 09:12 | Lu 1277 fois