Journée nationale des aidants, chronique de Serge Guérin

Les Assises de la proximologie mises en place avec la Fondation Novartis avaient débouché sur différentes propositions dont la nécessaire valorisation des aidants informels. C'est dans cette perspective qu’il faut saluer la création de la première Journée nationale des aidants, instituée le 6 octobre, à l’initiative de Nora Berra, la secrétaire d’Etat aux aînés.


Ces derniers forment, en effet, une figure majeure de la société d’aujourd’hui. Ils assument une grande part du soutien et de l’attention auprès des plus fragiles, personnes vieillissantes, malades chroniques ou personnes en situation de désavantage.

À l’heure des débats sur le « care » et l’état accompagnant, ils sont pourtant bien rarement mis en avant et bénéficient d’une faible reconnaissance sociale... C’est l’une des raisons pour laquelle nous avons créé la revue Reciproques qui cherche à analyser ces processus de don et cet engagement dans le soutien à l’autre.

Car les rôles des aidants sont multiples et surtout, si nécessaires. Par exemple, il est symptomatique de voir qu’aujourd’hui les professionnels de santé les considèrent comme de véritables partenaires de soins : c’est ce qu’affirment 70% des aidants, selon les résultats du panel BVA/Fondation Novartis.

Les aidants exercent une incroyable mission de service public à titre bénévole et sans grand secours de l’Etat. C’est un vrai et beau sujet politique : l’Etat qui recule partout laisse aux familles, aux individus le « soin » de faire face seule à ces situations pénibles et délicates.

Souvent à cet abandon, s’ajoute un discours moralisateur expliquant que c’est un devoir moral d’agir auprès du proche malade ou vieillissant. Cette situation est-elle « normale » ? Comment doit-on articuler solidarité de proximité et intervention de l’Etat ? C’est la question du statut de l’aidant, des moyens à mettre en œuvre (lieux de répit, valorisation et formation, soutien à la conciliation vie professionnelle et vie d’aidant…) pour accompagner ces personnes.

Au cours de cette journée, un colloque a été organisé permettant la présence des principaux acteurs de la question et destiné à faire émerger les situations et les attentes. J’ai eu à animer la table ronde sur la question de la conciliation vie d’aidant et vie professionnelle. Il faut, en effet, savoir que 46% des quelques 3,5 millions d’aidants exercent encore une activité professionnelle.

Parmi les intervenants de cette table ronde, Michaele Guegan, pour Edf-Sud Ouest a développé les initiatives prises pour soutenir les aidants : création d’un guide, politique de sensibilisation de l’encadrement, formation et e-coaching, prise en compte de la situation pour faciliter les aménagements d’horaires et le passage à temps partiel…
Serge Guérin, copyright S. Ortola

Il faut l’avouer, ce fut d’ailleurs le cri du cœur du représentant de la CGC, nous étions nombreux à rêver d’un seul coup que cet exemple soit repris par les autres entreprises. Pour cela il faudra du temps, de la volonté politique et de la pédagogie.

Le témoignage d’une aidante, Marie-France, a d’ailleurs suffi à nous ramener les pieds sur terre. Cette belle personne a témoigné de sa vie : ayant donné naissance à un enfant très handicapé, elle a dû cesser son activité pendant de longues années. Dès la naissance, elle a décidé, avec son compagnon, de ne pas reprendre pour une année son métier d’infirmière. Puis, il a fallu se rendre à l’évidence qu’une année n’était pas suffisante. Finalement cela aura duré plus de vingt ans…

Après avoir repris une activité, c’est son mari qui a développé un cancer l’obligeant à nouveau à prendre de la distance avec son métier. À la mort de ce dernier, elle est devenue infirmière en milieu scolaire. Cette femme vient de recevoir son bilan de carrière : elle est supposée n’avoir cotisé que 17 trimestres. Sans commentaire.

Une journée, nécessairement centrée sur les aspects de communication, ne saurait suffire à répondre aux attentes des aidants, des familles, des personnes malades et vieillissantes et de la communauté de soin. C’est un premier pas qui doit nous engager à penser une société de l’accompagnement à la fois plus juste, plus présente et plus efficace.

Serge Guérin
Professeur à L’ESG

Publié le 11/10/2010 à 08:01 | Lu 2540 fois