"Jacques de Bascher" au Théâtre de la Contrescarpe : Jacques, Karl, Yves et les autres...

Le personnage de Jacques de Bascher, disparu des suites du Sida en 1989, et oublié depuis, fut récemment remis en lumière dans les deux films sur Yves Saint Laurent qui sortirent en 2014. On découvrit ainsi un dandy élégant et cynique, proche d’Oscar Wilde et de Marcel Proust, avec son élégante moustache et son port altier.





Véritable aristocrate qui n’hésita pas à se rajouter une particule supplémentaire, il hanta les nuits parisiennes les plus folles des années 70 et 80.
 
« J’ai été le compagnon de Karl Lagerfeld et l’amant d’Yves Saint-Laurent. Mais, de moi, que reste-t-il ? ». Ainsi commence ce spectacle bouleversant.
 
Depuis quelques années déjà Gabriel Marc avait l‘envie d’écrire et de mettre en scène un texte sur ce personnage hors normes. Les aléas des confinements le forcèrent à différer son projet mais, heureusement, c’est chose faite maintenant.
 
Seul en scène pendant une heure quinze environ, il ressuscite le funeste soir où le dandy apprit sa séropositivité et, dans le plus total désarroi, se remémore les grands moments de sa vie.
 
Moments passés auprès de -excusez du peu- Karl Lagerfeld, Yves Saint-Laurent ou Pierre Bergé, mais aussi, de celles qu’il prénomme plus discrètement Betty, Loulou ou Inès, que chacun identifiera aisément.
 
Tantôt il s’adresse à ces personnages, allant parfois jusqu’à imiter leur voix, tantôt il téléphone à l’un ou l’autre, demandant de l’aide sans vraiment en attendre.
 
Car notre dandy ne se fait pas d’illusions : dans ce milieu de paillettes et de paraître, on est toujours profondément seul.
 
Gabriel Marc a confié la mise en scène à Guila Braoudé, qui sait enchaîner les moments présents et passés avec une grande fluidité. Il utilise parfois la vidéo, en particulier pour nous faire revivre le fameux défilé « Ballets russes » d’Yves Saint-Laurent dans les salons grandioses de l’Hôtel Intercontinental.
 
Et n’hésite pas à de nombreux changements de costume en fonction des circonstances, allant même jusqu’au travestissement dans un numéro particulièrement réussi.
 
On est ému bien sûr, même si le monde qui passe ainsi sous nos yeux nous semble inaccessible et finalement peu enviable. Mais Gabriel Marc est si touchant et si juste qu’il parvient, sinon à nous faire aimer cette vie, au moins à déclencher en nous une certaine empathie pour le personnage.
 
Et ce spectacle poignant est une réflexion profonde sur le temps qui passe, avec son lot d’espoirs, d’illusions et de déceptions. Par là-même, il nous concerne tous.
 
Axel Kiev
 
Théâtre de la Contrescarpe
5, rue Blainville
75005 Paris
 
En septembre : Les vendredi et samedi (y compris le 1er octobre) à 21h 
A partir du 7 octobre : vendredi 19h samedi 18h30 et dimanche 20h30
 
 

Article publié le 31/08/2022 à 03:00 | Lu 1932 fois