Isolement : les trois-quarts des personnes âgées en souffre

Chaque année depuis 2003, l'arrivée des beaux jours s'accompagne d'une angoisse : y aura t-il une canicule ? L'été est perçu comme une période à risques pour les populations les plus fragiles comme les personnes âgées isolées. Pourtant la solitude n'est pas la caractéristique d'une saison. À travers son programme Personnes âgées, la Fondation de France a fait de la lutte contre l'isolement l'un de ses combats.





Aujourd'hui, les personnes âgées de plus de 60 ans représentent plus de 21% de la population française. La plupart sont de jeunes retraités actifs, mais de plus en plus de personnes âgées se retrouvent peu à peu seules du fait de l'éloignement géographique de la famille et des amis, des décès de l'entourage et d'une mobilité restreinte.

Selon une enquête menée en 2007 par le collectif « Combattre la solitude des personnes âgées », 74% de cette catégorie de personnes souffrent du sentiment de solitude, lié à l'isolement relationnel et/ou géographique.

La Fondation de France soutient depuis les années 70 des projets visant à recréer les liens sociaux et ainsi rompre l'isolement. Un quart des actions réalisées dans le cadre de l'appel à projets, « Vieillir dans son quartier, dans son village - Des aménagements à inventer ensemble », lancé en 2002, concerne les questions d'isolement. « Ce programme soutient principalement des actions locales, de proximité, de création d'espaces d'accueil, d'écoute, de rencontre pour faire sortir les gens de chez eux et de leur quotidien » explique Agathe Gestin, responsable du programme Personnes âgées à la Fondation de France.

Les vieux au cœur du débat public
À la campagne comme à la ville, un des moyens pour combattre la solitude serait de « commencer par intégrer les personnes vieillissantes dans les politiques publiques » explique Florence Alicot, consultante et membre du groupe de travail à l'origine du programme « Vieillir dans son quartier dans son village ».

Aujourd'hui, les aides dont bénéficient les personnes âgées varient en fonction des politiques gérontologiques locales : « beaucoup d'élus pensent encore qu'il n'y a pas de besoins à combler pour les personnes âgées car les familles sont là » confirme-t-elle. Mais ces dernières ne peuvent pas toujours couvrir tous les besoins et attentes de leurs parents âgés.

Les actions doivent donc reposer sur la collaboration de tous les acteurs gérontologiques (personnels soignants, associations, élus, familles, voisins...) avec les personnes âgées elles-mêmes, afin de les associer aux décisions qui les concernent.

Des actions partout en France
La canicule de 2003 a agi comme un électrochoc en révélant l'ampleur de l'isolement d'une partie grandissante de la population. Pour Claudie Paugam, référente personnes âgées en Bretagne, « un maillage social s'est recréé ». Dans les Hautes-Alpes, les responsables de l'association Bien chez soi ont également pris la mesure des besoins non couverts par l'offre d'aide à domicile : « En passant chez les personnes âgées pour dispenser des soins, nous nous sommes aperçus qu'elles avaient aussi besoin d'un lien d'ordre psychologique » explique Tania Jean, responsable de l'association.

Aujourd'hui, avec le soutien de la Fondation de France, Bien chez soi organise plusieurs fois par semaine des ateliers de mémoire, de gymnastique, de cuisine, etc. « Chacun fait en fonction de ses capacités et un vrai lien social s'est développé » ajoute-t-elle. En zone urbaine, les besoins ne sont pas si différents et les personnes âgées ont tout autant besoin de soutien et de lieux de rencontres. Par exemple en région parisienne, quatre cafés sociaux ont vu le jour. Ils permettent aux personnes âgées, toutes origines confondues, de se retrouver simplement pour discuter autour d'un verre, ou de participer à des activités collectives.

Isolement et responsabilité
Rompre l'isolement est une priorité, mais cela ne va pas sans inscrire la personne âgée comme acteur dans l'élaboration des projets de sa vie. Selon Claudie Paugam, « la participation de la personne âgée commence en lui demandant ce qu'elle souhaite ». Lorsqu'une personne est seule, elle perd peu à peu confiance en elle et en ses capacités.

Intégrée dans un projet, elle peut se maintenir à un certain niveau d'autonomie et même progresser. Dans cet esprit, l'association Vieillir au village, dans la Drôme, permet aux personnes âgées de rester chez elles grâce à une mobilisation des habitants. Un réseau de services de proximité (soins à domicile, livraison de repas...) est assuré par des professionnels et des bénévoles. Pour Florence Alicot, cette initiative est une manière de prendre la solitude à sa source : « Ainsi on peut espérer que des bénévoles deviennent ensuite des personnes aidées et qu'il se crée une sorte de chaîne ».

Une coordination et une communication efficaces entre les différents acteurs -professionnels, bénévoles, famille, entourage, et surtout, la personne âgée elle-même- devraient permettre un recul de l'isolement et d'éviter la réplique de la tragédie de l'été 2003. Et peut-être, de comprendre que les personnes âgées ont, plus que quiconque, une histoire et une expérience à partager.

Article publié le 22/08/2008 à 10:12 | Lu 17285 fois