InterAging : nouveau coup de pouce de l'Inserm pour la recherche sur le vieillissement

Fort de ses initiatives nationales, l’Inserm vient d’inaugurer un programme de collaboration internationale pour renforcer les connaissances dans le champ du vieillissement… L’objectif est double : comprendre comment nos cellules prennent de l’âge et apporter de nouvelles pistes pour rester plus longtemps en meilleure santé.


Le vieillissement est-il un processus en partie programmé, ou la résultante d’évènements chaotiques qui conduisent nos organes à dysfonctionner ? Vivement discutée dans le milieu scientifique, cette question est fondamentale pour savoir s’il existe des déterminants biologiques communs aux maladies liées à l’âge et au vieillissement de notre organisme.
 
Mais pour explorer une thématique de recherche aussi vaste, une large interdisciplinarité est absolument nécessaire. C’est la raison pour laquelle l’Inserm a décidé, en 2016, d’initier un programme transversal dédié au vieillissement, « afin de faire émerger une communauté de recherche » explique Éric Gilson*, son coordinateur scientifique.
 
Depuis, une vingtaine de laboratoires de recherche français collaborent à travers le programme AgeMed (from AGed cells to MEDical applications). « Très vite, les différentes équipes ont bâti des programmes de coopération qui ont permis de réaliser des progrès à la fois fondamentaux et cliniques », souligne-t-il.
 
À un an de sa conclusion, AgeMed apparaît extrêmement fructueux. Il a par exemple permis de montrer comment la régulation dynamique de certains gènes conduit une cellule à devenir sénescente.
 
« Les cellules qui savent se régénérer, comme celles de la peau, du sang ou de la paroi intestinale, accumulent des marques de stress au cours du temps. Cela se manifeste par un raccourcissement de leurs télomères (les extrémités des chromosomes), une modification de leur chromatine, une perturbation des facteurs qui régulent l’expression des gènes… Tout cela va conduire à leur sénescence. Or, une des équipes qui participe à AgeMed, à l’Institut Pasteur à Paris, a montré que ce phénomène est le résultat d’une série d’évènements qui sont programmés dans la cellule jeune par un mécanisme épigénétique », raconte Éric Gilson.
 
Sur un plan plus clinique, des pistes thérapeutiques, suivies par l’équipe de Serge Adnot à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, découlent déjà de cette découverte : « Ce travail a conduit à l’identification de facteurs de transcription qui agissent comme des chefs d’orchestre de la sénescence. Des inhibiteurs sont développés pour ralentir ce mécanisme de vieillissement et les maladies dans lesquelles la sénescence cellulaire est impliquée. »
 
Les travaux réalisés dans le cadre d’AgeMed ont aussi permis de comprendre la façon dont d’autres cellules – celles qui ne se régénèrent pas (neurones, cellules musculaires…) – changent avec le temps.

« On y observe la modification de certaines fonctions cellulaires. Dans les neurones par exemple, l’équipe de Franck Oury, à l’Institut Necker – Enfants malades à Paris, a montré que le déclin cognitif lié à l’âge semble associé à la diminution de la capacité d’autophagie », poursuit Éric Gilson. En d’autres termes, ce mécanisme qui permet de recycler du matériel cellulaire endommagé fonctionne de moins en moins bien.
 
Il en résulte un encombrement délétère de molécules endommagées dans les neurones vieillissants. « Ce type de découverte ouvre lui aussi la porte à de nouvelles perspectives thérapeutiques, avec une recherche de molécules qui permettraient de restaurer une autophagie efficace. »
 
Pour donner un rayonnement international à cette expertise française, l’Inserm a lancé en octobre 2021 un programme de coordination thématique (PCT) sur le vieillissement : InterAging.
 
L’idée des PCT est de bâtir des coopérations internationales thématiques fortes, avec des pays qui ont une expertise complémentaire à celle disponible en France. InterAging est le premier PCT mis en place par l’Inserm.
 
L’Institut met 750.000 euros à disposition du réseau international formé (sur 5 ans), afin de financer quatre thèses conjointes qui feront le pont entre un laboratoire français et un laboratoire étranger, ainsi que les échanges et interactions qui auront lieu entre toutes les équipes du programme.
 
Les laboratoires correspondants sont implantés à Singapour, en Allemagne, en Chine et bientôt en Angleterre. « Le timing est remarquable, se félicite Éric Gilson. L’Inserm a pris de l’avance sur cette thématique de pointe, avec des équipes qui travaillent désormais en réseau et qui se connaissent bien. Grâce à ce nouvel élan international, les perspectives sont innombrables. »
 
* Professeur de Biologie cellulaire à la Faculté de médecine de Nice ; Directeur de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement (IRCAN), unité 1081 Inserm/CNRS/Université Côte d’Azur
 
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Publié le 14/01/2022 à 06:09 | Lu 2595 fois