Habitat et vieillissement : l’axe de l’adaptation, chronique de Serge Guérin

Selon l’Insee, si les tendances démographiques se maintiennent, une personne sur trois aura plus de 60 ans en 2060. Et 5,4 millions de Français auront alors plus de 85 ans. Déjà aujourd’hui, on dénombre plus de 25 millions de ménages dont plus de 9 millions composés d’au moins une personne de plus de 60 ans.


Une étude du Bipe montre que les deux-tiers de l’augmentation à venir d’ici 2020 du nombre de ménages sera constitué par des foyers de seniors : une augmentation annuelle de 200.000 ménages seniors sur une hausse de 296.000.

On peut considérer que les deux-tiers de ces ménages sont formés par des « retraités populaires » . Le Bipe estime que la hausse du revenu moyen par ménage augmentera de 2% par an dans les dix ans, mais de seulement 0,9% par an pour les 60-74 ans.

On peut aussi estimer qu’environ 28% des locataires HLM sont des ménages de plus de 60 ans. Et aussi que 14% des ménages de seniors vivent en HLM. D’une manière générale, 9,3 millions de foyers pourraient ainsi avoir besoin, dans les années qui viennent, d’une adaptation de leur logement afin de leur permettre d’y rester.

Aussi, l’adaptation du logement au vieillissement fait partie des actions fortes développée depuis dix ans par le discours de la puissance publique : en témoigne la politique de l’Anah depuis 2007. En témoigne aussi le secteur du logement social qui travaille en particulier sur deux thématiques : le logement intergénérationnel (Espace intergénérationnel Simone de Beauvoir piloté par le bailleur Espacil après un appel d’offre présenté par la ville de Rennes comme exemple fort) et l’adaptation des logements (Appartement évolutifs à Lormont développé par le bailleur Domofrance comme figure novatrice).

Toutefois, face aux nouveaux enjeux liés au vieillissement de la population et à la hausse prévisible du nombre de personne en forte perte d’autonomie, une action plus ambitieuse sur l’adaptation des logements semble nécessaire. A noter que cela s’inscrit dans un contexte où les personnes âgées souhaitent vivre plus longtemps dans leur logement (61% des personnes n’envisagent pas d’aller vivre en établissement pour personnes âgées ) et où il apparaît que cette demande rejoint un intérêt économique bien compris.


Habitat et vieillissement : l’axe de l’adaptation, chronique de Serge Guérin
En effet, selon une étude britannique, une année de report du besoin d’entrer en institution d’une personne âgée permet de réaliser une économie de plus de 26.000 livres sterling alors que le coût de l’adaptation du logement représente 6.000 livres sterling en moyenne. Les économies réalisées sur les dépenses de santé (lorsque l’adaptation permet d’éviter des chutes générant des fractures de la hanche notamment, et imposant une admission hospitalière coûteuse) sont également très importantes. Chaque année 450.000 personnes de plus de 65 ans sont victimes de chute, principalement à domicile. L'une de causes de chutes principale à domicile est le revêtement de sol. Et 37% des cas nécessitent une hospitalisation et presque la totalité des plus de 75 ans subissent une intervention chirurgicale.

Plus de 4.000 cas de chutes aboutissent à un décès. Le coût des accidents de la vie courante, qui inclut ces chutes, est une donnée encore peu explorée en France. Mais des études sur les travaux réalisés à l’étranger montrent que les dépenses liées à ces accidents pouvaient représenter jusqu’à près de 10% des dépenses de santé. Dans cette optique, les bailleurs sociaux, les collectivités locales et l’Etat devraient renforcer leur politique de prévention par l’activité physique adaptée, en s’appuyant, en particulier, sur le savoir-faire du groupe associatif Siel Bleu.

Pour autant, il importe aussi de développer une offre de résidences d’accueil des personnes âgées. Il s’agit aussi bien des Foyer-Logements que d’établissements médicalisés. L’Etat, relayé par les collectivités territoriales, a beaucoup poussé dans les années 70/2000. Aujourd’hui, dans une période de forte contrainte budgétaire, les coûts et la demande sociale font que la priorité est donnée à des démarches plus souples et innovantes.

L’accompagnement des plus âgés nécessite de développer des services à la personne qui prennent en compte les besoins spécifiques en fonction des êtres humains et des territoires. Les institutions, Ephad et Epa n’échapperont pas à une révolution culturelle pour s’inscrire dans une logique d’accompagnement social, de réseau et de plate-forme modulable leur permettant de fédérer une offre diversifiée de services.

Cette logique de plate-forme est aussi un espace d’accompagnement des aidants bénévoles comme des professionnels.

Serge Guérin
Professeur à l’ESG-MS, sociologue du vieillissement, dernier ouvrage « la nouvelle société des seniors », Michalon, 2011

Publié le 05/12/2012 à 10:19 | Lu 1441 fois