"Dieu habite à Düsseldorf" au Lucernaire : farce futuriste

La scène est masquée par des draps blancs retenus par des portants métalliques. Les lumières s’éteignent et, lentement, une tête de poupée baigneur émerge au-dessus des draps, se tourne vers la droite puis redescend dans l’arrière scène d’où elle est venue.


Le ton est donné, nous sommes  dans une pièce de Sébastien Thiéry qui nous a habitués, depuis quelques décennies, à ce mélange de comique et de loufoque.
 
Révélé au public par Jean-Michel Ribes il y a vingt ans, il a maintenant pris son envol pour devenir cet auteur que tous les théâtres privés s’arrachent. Après Cochons d’Inde en 2009 -qui lui valut un Molière-, ce fut « Momo », « Ramsès II », puis maintenant « Huit euros de l’heure », des pièces qui toutes font ou ont fait salle comble.
 
Les textes proposés aujourd’hui ont été écrits en 2006 et avaient déjà été mis en scène à l’époque au Théâtre des Mathurins. L’auteur nous transporte dans un monde déshumanisé, cauchemardesque, qui rappelle celui du film de Stanley Kubrick « Orange Mécanique », où les situations grotesques s’enchaînent dans un rythme implacable.
 
Nous sommes dans un univers inquiétant, où on frôle parfois l’absurde.
 
Telle cette scène où un psychiatre propose carrément de regrouper dans une région de France les inutiles ; dans une autre, les alcooliques, ou encore ailleurs, les simples d’esprit. Ou cette autre où on traite un patient angoissé en lui « coupant le son » pour l’isoler des tracas et des fracas de ce monde.
 
D’autres scènes nous transportent dans un monde étrangement asexué : un homme cherche un ami (masculin), ou vient dans un magasin pour acheter un zizi.
 
Le décor d’hôpital et les quelques sièges suffisent pour créer une esthétique inquiétante en écho avec le texte. Des intermèdes vidéo peuplés de poissons  sur une bande son de « Blue Velvet » rythment chaque scénette.
 
Les deux acteurs, Eric Verdin et Renaud Danner, sont aussi les metteurs en scène du spectacle. Peu connus du grand public, ils méritent pourtant un bel hommage.
 
Dans leurs costumes de couleur marron rappelant les années 70, ils composent alternativement le rôle du souffre-douleur et celui du tortionnaire, échangeant leur paire de lunettes à chaque sketch. Ils savent à merveille jouer tour à tour le dominant ou le dominé, le sachant ou l’ignorant, la victime ou le bourreau.
 
Le résultat est désopilant et malgré l’ambiance parfois inquiétante on rit du début à la fin.
 
Alex Kiev

Théâtre Lucernaire

53 rue Notre-Dame-Des-Champs  75006 Paris
du mardi au samedi 21h jusqu’au 8 juin

Publié le 07/05/2019 à 01:00 | Lu 1978 fois