Diabète : la prise en charge du suivi bucco-dentaire des patients est-elle adaptée ?

Trois questions à Sylvie Azogui-Lévy et Thierry Rochereau à l'occasion de la sortie du numéro « Questions d'économie de la santé n° 185 de mars 2013 intitulé : « La prise en charge du suivi bucco-dentaire des personnes diabétiques est-elle adaptée ? Exploitation de l'enquête ESPS 2008 »





1/ Quels sont les liens entre diabète et santé bucco-dentaire ?

Le diabète est une maladie chronique qui se caractérise par un trouble d'assimilation des glucides, avec une présence de sucre dans le sang et dans les urines.
 
Il existe deux types de diabète : le diabète de type 2, le plus fréquent, touchant surtout les adultes, se définit par une résistance à l'insuline et une carence relative de sécrétion d'insuline. Le diabète de type 1, pour sa part, concernant surtout les jeunes, est causé par la destruction des cellules bêta du pancréas et donc l'incapacité à secréter de l'insuline.
 
Le caractère épidémique du diabète de type 2 est lié, d'une part, au vieillissement de la population et, d'autre part, à l'évolution des modes de vie, une plus grande sédentarisation des populations, une alimentation plus saturée en graisse et en sucres, et l'augmentation de l'obésité.
 
Parmi les complications liées au diabète et qui ont des conséquences néfastes sur la santé, on compte la maladie parodontale. Celles-ci sont des infections bactériennes qui détruisent les tissus entourant et supportant les dents, ce qui peut provoquer leur perte et des difficultés de mastication. Or, selon certaines études, la prévention des affections dentaires aurait un effet bénéfique sur l'équilibre glycémique et permettrait donc d'améliorer l'état de santé et la qualité de vie des personnes atteintes de diabète.
 
2/ Les personnes diabétiques recourent-elles plus souvent que les autres au dentiste ?

S'appuyant sur les données de l'Enquête santé et protection sociale (ESPS) 2008, notre étude montre que les personnes atteintes de diabète ne recourent pas plus, voire moins, au dentiste que les personnes non diabétiques.
 
Et ce malgré les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) concernant la prise en charge du diabète et donc le recours aux soins dentaires des diabétiques. De plus, quand on observe le profil des 4,5 % de personnes atteintes de diabète en France, il apparaît qu'elles sont plus défavorisées que le reste de la population tant en termes de revenu, de capital social que de couverture santé complémentaire. On reconnaît ici l'impact du gradient social sur le recours aux soins dentaires, bien documenté dans la littérature.
 
Par ailleurs, les diabétiques sont 80 % à bénéficier du dispositif des Affections de longue durée (ALD) au titre du diabète. Toutefois, malgré cette prise en charge en ALD dont nous formulions l'hypothèse qu'elle favoriserait le recours au dentiste, nos résultats montrent que les inégalités restent marquées, les personnes diabétiques en ALD recourant moins que celles sans ALD.
 
3/ Quelles pistes d'amélioration suggérez-vous en matière de recours aux soins dentaires des personnes atteintes de diabète ?

Tout d'abord, nos résultats montrent que les personnes diabétiques les plus précaires devraient pouvoir bénéficier d'un accès facilité aux soins dentaires. Dans ce sens, une évolution du contenu de la prise en charge en ALD pourrait participer d'améliorer la situation actuelle de non-recours, de même que le développement de l'aide à la complémentaire santé.
 
On sait que l'absence de complémentaire santé est un des principaux motifs de renoncement aux soins dentaires (Després et al., 2011 ; Dourgnon, 2012)*. Ensuite, il serait utile de mieux adapter le parcours de soins des diabétiques qui, aujourd'hui, ne se différencie pas en termes de visites chez le dentiste des préconisations faites aux non-diabétiques, c'est-à-dire une visite annuelle. Or nous savons que les pathologies bucco-dentaires peuvent être prévenues et contrôlées chez l'adulte dès lors que son recours chez le dentiste est régulier. Enfin, la mise en oeuvre de ce parcours étant principalement coordonnée par les médecins généralistes, leurs sensibilisation et formation sur le sujet restent à développer.

Article publié le 17/05/2013 à 11:38 | Lu 3163 fois