Canada : un pays où l’âge légal de départ en retraite n’existe plus…

Afin de lutter contre la pénurie de main d’œuvre, le Canada vient d’annoncer dans un récent communiqué, la suppression de l’âge légal de départ en retraite. Une « victoire importante en matière de droits de la personne pour la population vieillissante » précise la Commission canadienne des droits de l personne.


Dans un récent communiqué, la Commission canadienne des droits de la personne indique qu’elle « accueille favorablement la décision du gouvernement du Canada d’aller de l’avant pour abroger les articles de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code canadien du travail qui permettent aux employeurs de forcer les employés à prendre leur retraite dès qu’ils atteignent un certain âge, peu importe s’ils sont encore aptes au travail ».

« Nous ne venons pas au monde avec une date estampillée sur le corps qui correspondrait à la disparition de nos aptitudes au travail le jour de notre 65e anniversaire », a déclaré à cette occasion David Langtry, président par intérim de la Commission canadienne des droits de la personne. « La discrimination fondée sur l’âge est une forme de discrimination, pure et simple. »

Dans cet esprit, la Loi d’exécution du budget, qui a reçu la sanction royale, abroge les dispositions des lois canadiennes qui obligent la population à prendre sa retraite. La Commission demande que soient abrogées les dispositions de départ obligatoire à la retraite contenues dans la Loi sur les droits de la personne depuis 1979.

Rappelons qu’au Canada, tous les gouvernements ont déjà aboli le départ obligatoire à la retraite, sauf le gouvernement fédéral et le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Par ailleur, de nombreux employeurs sous réglementation fédérale et la fonction publique fédérale ont pris l’initiative de l’abolir. « Jusqu’à présent, rien n’indique que les employeurs, les régimes de pensions, la sécurité et l’avancement professionnel en ont subi de graves contrecoups » précise le communiqué.

« À mesure que la génération des boomers du Canada vieillit, un nombre croissant de personnes souhaitent continuer à travailler après l’âge de la retraite, que ce soit pour des raisons personnelles ou financières » conclut le communiqué. Ainsi, les salariés qui cesseront le travail à l’âge de 70 ans au lieu de 65 ans toucheront 42 % de plus de la part du Canadian Pension Plan, la retraite publique.

Une décision plutôt bien accueillie par la population dans un pays où le montant des pensions versées par l’Etat est souvent très faible. La décision d'Ottawa de supprimer l'âge de la retraite obligatoire intervient d'ailleurs au moment où les fonds de pension sont de plus en plus déficitaires (certains sont même en faillite, voir encadré ci-dessous).

Témoignage de Jean-Jacques Piché*, un retraité canadien qui a perdu 40% de ses prestations de retraite

Après 38 ans de loyaux services, mes prestations de retraite ont été brusquement coupées de 40%.

J'ai travaillé pendant 38 ans comme machiniste pour la papetière Papiers Fraser qui, après avoir changé de main à quelques reprises, a été détenue par le fonds financier Brookfield Asset Management. Pendant toutes ces années, tout comme mes collègues de travail, j'ai versé une partie de mon salaire dans notre régime de retraite, en vertu du contrat négocié avec notre employeur. Selon les règles que nous nous étions données, j'ai toujours pensé qu'il s'agissait là d'un investissement assuré.

En 2003, après 38 ans de loyaux services, j'ai décidé de prendre ma retraite. Les prestations auxquelles j'avais alors droit étaient déterminées et fixées à l'avance. J'ai donc planifié ma retraite en me basant sur ces données afin de tenir compte de mes dépenses, de l'inflation, de mes projets, etc. Jusqu'en 2010, tout s'est bien déroulé alors que ma pension m'était versée selon les montants prévus.

Tout a basculé en avril 2010, alors que mes revenus ont été coupés de 40%! En retour de 38 ans de ma vie consacrés à travailler à l'enrichissement de Papiers Fraser et des compagnies qui en ont été propriétaires, je n'ai pu recevoir ce qui m'était dû que pour sept années !

Et le pire, c'est que tout s'est fait légalement: les compagnies qui se prévalent de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des entreprises peuvent réussir à liquider ainsi les régimes de retraite. Ce qui n'est absolument pas normal, et encore moins acceptable.

C'est pourquoi le gouvernement fédéral ne peut pas laisser aller cette situation. Il doit agir et protéger les régimes de pension privés. Il faut notamment que le gouvernement amende sa loi afin que les dettes dues aux travailleurs et au régime de retraite soient les premières remboursées.

Ce qui me frustre, c'est que j'avais un contrat écrit avec Papiers Fraser me garantissant ma rente. J'ai investi dans cette rente pendant plus de 38 ans. Pourquoi, mais pourquoi dois-je payer pour les lacunes des lois canadiennes et la mauvaise gestion de la part de Papiers Fraser et de Brookfield Asset Management ?

À cause de Brookfield, je n'ai plus les moyens de terminer mes jours dans une résidence pour personnes âgées, je n'ai plus assez de revenus pour m'assurer une retraite digne de ce nom.

Notre seule lueur d'espoir, c'est la solidarité et la lutte que mènent les retraités et les travailleurs actifs au moment de la fermeture, bref, nous, les victimes de Brookfield.

Ceci n'est malheureusement pas de la fiction, mais bel et bien la réalité pour un retraité de Gatineau, comme ce l'est pour des centaines d'autres. Une histoire vraie ! Agissez, M. Harper !

*L'auteur est un retraité et ex-employé de la papetière Papiers Fraser, à Thurso.

Publié le 27/12/2011 à 02:25 | Lu 4176 fois