Bien vieillir en France (partie 2)

Suite à la journée « Bien vieillir en France », présidée par Nora Berra, ancienne ministre et députée européenne, et Gérard Bapt, député de Haute-Garonne, qui a eu lieu le 19 juin dernier, voici une présentation détaillée des points forts qui ont rythmé cette journée qui abordait les thèmes suivants : concilier longévité et bonne santé, vieillir serein dans un logement adapté, financer la dépendance pour demain et trouver toute sa place dans la société.


Troisième table ronde : financer la dépendance pour demain

La Députée Marie-Christine Dalloz a d’abord posé les bases du débat. Le besoin de financement de la dépendance va mécaniquement augmenter de façon importante dans les années à venir, les estimations s’établissant autour de 10 milliards d’euros supplémentaires par an jusqu’à 2040.
 
Aujourd’hui, la dépendance est financée majoritairement par le système public (APA, sécurité sociale) mais également par les familles. Deux solutions sont possibles : consolider le système actuel, ou proposer de nouvelles solutions : nouvelle branche de sécurité sociale, ou imposer une assurance universelle privée.

Des pistes de financement sont proposées pour financer le système d’aujourd’hui: augmenter la CSG, multiplier les jours de solidarité, ou mettre à contribution le patrimoine et les droits de successions.
 
L’idée de créer une « cinquième branche » ou un « cinquième risque » à la sécurité sociale n’a pas été retenue du fait du déficit de la sécurité sociale. De fait, la solution de rendre la souscription à une assurance privée obligatoire a été proposée, notamment dans le rapport de la députée Rosso-Debord publié en juin 2010. Dans ce cadre, Martine Pauly, directrice du développement de Generali France fait un état des lieux de l’offre d’assurance dépendance aujourd’hui.
 
Ce sont les classes moyennes qui souscrivent ce type de contrats, avec pour objectif de pouvoir rester à domicile sans être un poids financier pour leur famille. Il existe plusieurs contrats d’assurance dépendance, partiaux ou totaux, avec des compensations sous forme de rentes versées par mois, ou en capital, versé au moment où il y a un besoin particulier.
 
Ces contrats contiennent des services, conseils techniques et administratifs, soutien psychologique… La FFSA (Fédération Française des Sociétés d’Assurance) a créée en mai 2013 un label garanti assurance dépendance, qui permet une meilleure visibilité. Pour Martine Pauly, l’assurance est une solution parmi d’autre, car elle permet de combler le manque à gagner qui existe malgré l’aide de l’Etat et des familles.
 
Pour Pierre-Yves Geoffard, Directeur de l’Ecole d’Economie de Paris, la question est de savoir si l’aide formelle va se développer dans les années à venir. Pour lui, deux scénarios existent. Premier scénario : peu d’assurances publiques ou privées et peu de financement existent, l’aide reste à la charge des familles, ce qui peut conduire à un retrait de l’emploi, notamment pour les femmes qui sont plus souvent les aidantes.
 
Deuxième scénario : encouragement de l’aide formelle qui se développe et crée des emplois, surtout féminins (infirmière, aide à domicile…). Il faut trouver des financements pour financer l’aide formelle. Pour Pierre-Yves Geoffard, qu’elle soit publique ou privée, l’assurance doit être obligatoire pour une raison psychologique : il y a une déconnexion entre le « moi » d’aujourd’hui et le « moi » futur. Ainsi, les personnes sont peu enclines à s’assurer pour la dépendance.
 
Jean-Manuel Kupiec est directeur général adjoint de l’organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (OCIRP). Pour lui, le risque de dépendance doit s’inscrire dans une logique collective, considérant qu’il rentre dans le domaine de la protection sociale. 91% des français sont d’accord pour se prémunir contre la dépendance, mais 96% ne le font pas. D’après lui, il existe un problème sémantique. Le mot « dépendance » fait peur auprès des baby-boomers, dans une société du jeunisme. La solution du mixte entre financement public et privé est la meilleure selon lui.
Les contrats collectifs sont mis en place par les grandes entreprises ou les branches professionnelles. Ils ont l’avantage de ne pas faire de sélection médicale, d’être moins couteux, et de permettre la portabilité des droits. Nonobstant, peu de métiers considèrent que la dépendance relève de la protection sociale. De plus, la reconnaissance médicale doit être unique, et les contrats doivent être labellisés pour plus de visibilité.
 
Mathieu Escot, chargé de mission à l’UFC Que Choisir, a critiqué les assurances privées de la dépendance. Pour lui, les contrats sont illisibles (il est difficile d’obtenir les conditions générales, les termes sont différents ou complexes). Ils sont également imprévisibles à l’entrée dans le contrat (avec la sélection médicale) ; dans la durée de vie (si les cotisations augmentent et que le client n’est plus en mesure de les payer, ces garanties en seront considérablement réduites, et l’inflation n’est pas considérée pour la revalorisation des rentes.)
 
Par ailleurs, le taux de retour sur cotisation est très faible. Mathieu Escot et UFC que Choisir proposent une autre solution : le Bouclier Dépendance. Celui-ci prend en compte le cadre budgétaire contraint et propose de concentrer les efforts de l’aide publique sur les épisodes longs de la dépendance en finançant le reste à charge des personnes dépendantes sur le long terme.
 
Michel Moscovici, Gérant de CM Patrimoine, a conclu le débat. Financer la dépendance, à l’échelle individuelle, c’est d’abord « avoir les ressources suffisantes pour assurer son train de vie ». En matière de placements, l’équation est difficile : les français s’intéressent tard à la retraite (vers 45 ans), sont risque-adverses, et les taux d’intérêts des placements d’assurance vie ou fonds euros sont très bas. Pour Michel Moscovici : « Aujourd’hui, ne pas prendre de risques crée le risque majeur d’avoir des revenus moindres à terme. ». Pour s’assurer de disposer des ressources suffisantes pour sa retraite, il conseille de s’y prendre le plus tôt possible, en ayant une stratégie de long terme, aidé de professionnels, pour ne pas subir les instabilités fiscales et comprendre le marché.


Publié le 01/07/2013 à 07:00 | Lu 1246 fois