Afrique : des grands-mères solidaires contre le sida

Un article publié par le site Internet Irin, département d'informations humanitaires des Nations Unies, indique que des grands-mères de toute l’Afrique et des grands-mères du Canada ont uni leurs forces pour demander davantage de soutien et de reconnaissance de leur rôle dans la prise en charge de leurs petits-enfants orphelins du sida.





« Nous sommes la colonne vertébrale de nos communautés ; avec notre amour et notre engagement, nous protégeons et élevons nos (petits-)enfants orphelins. L’Afrique ne peut pas survivre sans nous », a déclaré un manifeste publié au moment du premier Rassemblement de grands-mères africaines, qui s’est tenu au Swaziland.

Eunice Simelane, qui s’occupe de cinq petits-enfants depuis que son fils et sa belle-fille ont succombé à des infections liées au sida, a lu le manifeste lors de la rencontre à laquelle ont participé 200 grands-mères du Swaziland, 232 grands-mères d’autres pays africains, et 42 grands-mères canadiennes. Ces 42 femmes représentaient 7.000 autres grands-mères ayant formé des groupes au Canada pour attirer l’attention sur les difficultés rencontrées par ces femmes africaines âgées qui élèvent des orphelins du sida, et lever des fonds pour les aider.

Le premier rassemblement de grands-mères a eu lieu à Toronto, au Canada, en 2006. Il était né de l’imagination de Stephen Lewis, ancien envoyé spécial des Nations Unies pour le sida en Afrique, dont la fondation finance des organisations communautaires de lutte contre le sida qui apportent leur soutien à des grands-mères dans quinze pays d’Afrique sub-saharienne.

Le Swaziland, qui est l’un des pays du monde les plus touchés par l’épidémie de sida –environ 160.000 enfants sont considérés comme orphelins ou enfants vulnérables (OEV), pour une population de moins d’un million d’habitants– semblait être un lieu adapté pour organiser le premier rassemblement des grands-mères en Afrique.

La famille élargie étant traditionnellement responsable d’élever les enfants privés de parents, les orphelinats sont peu nombreux. Les grands-mères sont devenues les personnes qui s’occupent le plus de ces enfants, mais leur rôle vital a été largement négligé, et leur besoin d’aide pour nourrir, habiller, loger et éduquer leurs petits-enfants est souvent ignoré, a dit Ilana Landsberg-Lewis, directrice générale de la Fondation Stephen Lewis.

« J’examinais des propositions de financement, et beaucoup d’entre elles traitaient de financements destinés aux orphelins, mais elles paraissaient être écrites en langage codé. Elles faisaient toujours référence aux ‘tuteurs et parents-substituts’, sans dire qui étaient ces personnes. Nous avons observé que ces personnes étaient les grands-mères de l’Afrique », a-t-elle dit.

Les personnes impliquées ayant généreusement soutenu les programmes de la Fondation, Mme Landsberg-Lewis a souhaité que les grands-mères canadiennes rencontrent personnellement les grands-mères africaines. « Elles sont venues au Swaziland, en payant elles-mêmes le voyage… Je savais qu’elles seraient émues par ces grands-mères héroïques », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews.

Les trois jours de rencontre organisés à Manzini, carrefour commercial du centre du Swaziland, ont été riches en émotions, donnant lieu à des expériences joyeuses mais aussi à de nombreux témoignages poignants de grands-mères évoquant les violences subies et la pauvreté.

« Beaucoup de violences sont perpétrées à l’encontre des personnes sans protection telles que les grands-mères –des vols, et même des viols. Dans notre manifeste, nous appelons les autorités à reconnaître cela et à nous protéger, nous, les grands-mères, lorsque nous élevons nos petits-enfants », a dit Cynthia Khumalo, une grand-mère swazie.

Les déléguées ont rédigé une liste de demandes adressées à leurs gouvernements, concernant notamment des aides financières et des projets durables créés avec leur participation. Le Premier ministre du Swaziland, ainsi que plusieurs officiels du gouvernement, étaient présents au rassemblement.

« Ces grands-mères avaient espéré qu’elles seraient à la retraite aujourd’hui, que leurs enfants s’occuperaient d’elles et qu’elles joueraient avec leurs petits-enfants, plutôt que d’avoir à les élever. Cela doit être reconnu et (justifie qu’on les aide) », a dit Siphiwe Hlope, directrice générale de Swazis for Positive Living (SWAPOL), un groupe de soutien pour femmes séropositives qui a organisé l’événement, en partenariat avec la Fondation Stephen Lewis.

Mme Hlope avait mené une marche en 2009 pour protester contre les dépenses excessives de la famille royale contrastant avec les maigres ressources allouées aux personnes vivant avec le VIH/SIDA, mais la Reine mère swazi, qui assistait à la cérémonie, lui a donné l’accolade. « Nous sommes toutes grands-mères, et ce qui nous réunit, c’est notre amour pour les enfants », a-t-elle dit.

Les grands-mères ont partagé leurs expériences dans le cadre d’ateliers en swahili, siswati et anglais. « Il m’était difficile d’annoncer à ma petite-fille qu’elle était séropositive, et à cause de cela, elle l’a appris par les gens du quartier, qui se moquaient d’elle », a dit Esther Mango, du Kenya. « Elle a été très blessée. Elle m’a dit : ‘Pourquoi tu ne me l’avais pas dit ?’ »

Elles ont décrit leurs expériences de discrimination liée leur âge, leur sexe et leur statut VIH. « Quand mon mari était très malade, sa famille a refusé que j’aille le voir à l’hôpital. Il a dit à mon fils aîné que quand il mourrait, il fallait que personne ne m’épouse, parce qu’il savait de quoi il souffrait et il savait que je l’avais aussi et que je rendrais quelqu’un d’autre malade », a dit une des femmes. « Je suis allée à l’hôpital après sa mort, et j’ai fait un test ; j’ai appris que j’étais séropositive. La famille de mon mari ne me permettait pas de le voir, mais c’est moi qui m’occupe des petits-enfants. »

Le personnel de la Fondation Stephen Lewis a montré aux grands-mères africaines comment faire des demandes de subventions pour mettre en œuvre des projets communautaires. Un projet de la Fondation au Kenya emploie 300 femmes qui fabriquent des bijoux vendus au Canada, et un tiers des bénéfices est utilisé pour financer des programmes en Afrique.

Article publié le 14/05/2010 à 07:01 | Lu 1306 fois