A l'Odéon : Trois soeurs bien d'aujourd'hui !

Les plus anciens d’entre nous ont encore en mémoire Marina Vlady, Odile Versois et Hélène Vallier dans « Les Trois Sœurs » de Tchekhov. C’était au Théâtre Hébertot, il y a déjà cinquante ans. Qui, pensait-on à l’époque, pouvait mieux que ces trois sœurs Poliakov restituer avec autant de vérité l’ambiance si particulière du célèbre dramaturge russe ?





Simon Stone, en reprenant l’œuvre en 2016, a pris une option radicalement opposée, baptisant d’ailleurs sa production « Spectacle d’après Anton Tchekhov ». Nulle malhonnêteté donc dans cette adaptation, puisqu’on est prévenu dès le début : ce n’est pas du Tchekhov. Et pourtant…..
 
Le rideau se lève sur une scène occupée en son centre par une maison à deux étages dont les murs extérieurs ne sont en fait que de larges baies vitrées. Des personnages en occupent toutes les pièces, allant d’un endroit à l’autre comme des fourmis sans se soucier, à première vue, d’une quelconque logique.
 
Les acteurs étant sonorisés, les dialogues nous arrivent tous du même endroit et il est très difficile de savoir qui parle, et donc, dans un premier temps en tout cas, de savoir qui est qui, même -et surtout- si on a en tête les personnages de la pièce originelle.
 
On entend parler de Berlin qui, apprend-on, n’est plus à la mode, de San Francisco qui le serait plus, de Trump qui lui l’est complètement, de Facebook et d’Internet pêle-mêle, sans savoir vraiment où tout cela va nous mener.
 
Et pourtant, magie du théâtre et de la mise en scène, au fil du temps les lieux et les personnages se mettent en place, les conversations qui, au début, semblaient du bavardage sans profondeur trouvent leur sens en même temps que les acteurs prennent chair.
 
Car même si on parle de Carrefour et Mac-Do, le décor enneigé nous rappelle que nous sommes en Russie, et non en Californie. On se retrouve alors accroché à ce spectacle, retrouvant petit à petit des réminiscences de la pièce d’origine, alors que des émotions plus nouvelles surgissent en nous.
 
Il faut saluer ce décor transparent et tournant, bien éclairé, qui est un des piliers de la scénographie, donnant à l’ensemble toute sa fluidité. Les acteurs font le travail, un peu ingrat au début, que leur a confié le metteur en scène et prennent leur envol au fil de l’action, dans un découpage finalement classique en trois actes, avec entracte qui plus est.
 
Les trois sœurs sont parfaites, ainsi que tous les autres. Citons au passage Eric Caravaca, très convaincant dans le rôle du frère André. Signalons enfin la musique, bien présente mais qui jamais ne s’impose, et qui rajoute encore à la grande unité de cette production.

Odéon-Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon
75006 Paris

jusqu’au 22 décembre 2017

Article publié le 22/11/2017 à 08:46 | Lu 3461 fois