Une femme à Berlin avec Isabelle Carré : une force de vie en temps de guerre (théâtre)

L’actrice Isabelle Carré retrouve les planches à partir du 7 septembre prochain dans une pièce intitulée : Une femme à Berlin au Théâtre du Rond-Point à Paris. L’histoire : Printemps 1945, dans les ruines de Berlin, les femmes deviennent la proie des soldats russes qui envahissent la ville. Une femme à Berlin est le journal de l’une d’entre elles. Publié en 1954 aux États-Unis, en langue anglaise, diffusé de l’Allemagne au Japon, de l’Espagne aux Pays-Bas, Une femme à Berlin relate sous la forme d’un récit autobiographique et anonyme le voyage en enfer d’une femme dans la guerre.





Entretien avec Tatiana Vialle, propos recueillis par Pierre Notte

Une force de vie en temps de guerre

Une femme à Berlin est le témoignage anonyme d’une femme qui raconte son quotidien à Berlin au printemps 1945, sous les bombardements puis sous l’occupation russe. Il a été édité pour la première fois aux Etats-Unis en 1954, puis, en 1959 en Allemagne où il a provoqué un véritable scandale. L’auteur demande alors que ce texte ne soit plus publié de son vivant.

Dès la lecture du livre, édité par Gallimard, j’ai eu envie d’adapter ce texte pour le théâtre et d’entraîner Isabelle Carré dans cette aventure, parce qu’Isabelle est une comédienne qui possède à la fois la fragilité de cette femme et sa formidable force de vie et je sais qu’ensemble nous arriverons à retrouver l’énergie qui se dégage du livre, cette incroyable capacité à décrire les situations les plus effroyables sans jamais se plaindre ni s’apitoyer sur soi-même.

Explorer l’intime de la guerre

Je voudrais, avec des éléments très simples, évoquer les ruines de la guerre, le délabrement de la ville sans pour autant être dans un décor réaliste. Par une fenêtre ou une porte, marquer un passage possible. L’espace ne sera pas véritablement fermé, sur un mur décrépi, on verra des images de Berlin en 1945. Le son et la musique seront très importants. Dominique Mahut créera un univers sonore qui évoquera bien sûr les bruits de la guerre mais aussi la musique des russes, joyeuse parfois car il y a dans le texte des moments de fêtes qui ponctuent l’expérience de l’horreur.

Ce qui nous reste de cette guerre c’est ce que nous en avons appris à l’école, les faits, les dates, les chiffres objectifs ; mais l’expérience intime de la guerre nous reste étrangère. Une femme à Berlin est une plongée dans cette épreuve. Au delà du portrait d’une femme allemande de 1945, ce texte nous ramène à la question de la place des femmes dans la guerre, comme butin souvent. Mais cette histoire là est aussi particulière puisque les Allemands sont aussi des vaincus monstrueux, ce sont des monstres terrassés dont on peut abuser

Victime absolue ou monstre possible ?

Il ne s’agira pas d’une lecture. Nous sommes quelques mois après la fin de la guerre, deux mois après l’arrivée des Russes à Berlin. Le spectacle commence au moment du retour de Gerd, le fiancé d’avant la guerre. D’abord incapable de raconter, elle lui confie son journal. Il commence à le lire à haute voix et cette lecture la ramène à ce qu’elle a vécu quelques semaines plus tôt. Elle prend le relais, raconte, se souvient, et revit des moments d’une violence inouïe. Gerd découvre en même temps que les spectateurs ce qu’elle a vécu. Il assiste avec eux au spectacle de cette femme replongée dans un enfer encore si proche. Elle revit la peur, la douleur, le dégoût, comme si elle oubliait la présence de Gerd et ce qui les lie. Elle va trop loin et il partira avant la fin de la lecture,
devenue pour lui insoutenable.

J’aimerais que le public puisse éprouver une empathie, une tendresse particulière pour la force de vie de cette femme, dont personne ne peut déterminer si elle est une victime absolue ou un monstre possible.

Extrait :

Samedi 21 avril 1945
Elle : Des bombes, les murs ont vacillé. Je suis en nage comme après un dur labeur. Depuis le jour où j’ai dû aider à dégager des corps ensevelis, je lutte contre l’angoisse de la mort. Ce sont toujours les mêmes symptômes. D’abord la sueur qui perle au front, à la racine des cheveux, les lancements dans la moelle épinière qui est comme taraudée, les tiraillements dans la nuque, puis le palais qui se dessèche et les battements syncopés du coeur. Le regard qui fixe le pied de la chaise d’en face, comme pour m’imprimer son galbe et ses bourrelets dans la rétine. Pouvoir prier en cet instant. Le cerveau s’agrippe à des formules, à des lambeaux de phrases « Geh an der Welt vorüber… es ist nichts… ». Jusqu’à ce que la vague se retire.

Infos pratiques

Une femme à Berlin
Théâtre du Rond-Point - salle Jean Tardieu (176 places)
7 septembre - 10 octobre, 21h
dimanche 15h30 - relâche les lundis et le 12 septembre

Plein tarif salle Jean Tardieu 29 euros
Tarifs réduits : groupe (8 personnes minimum) 20 euros / plus de 60 ans 25 euros
Demandeurs d’emploi 16 euros / moins de 30 ans 14 euros / carte imagine R 10 euros

Réservations au 01 44 95 98 21, au 0 892 701 603 et sur www.theatredurondpoint.fr

Article publié le 30/08/2010 à 13:55 | Lu 3116 fois