Un test qui mesure la conscience chez des patients atteints de lésions cérébrales sévères

Les équipes* de Lionel Naccache et de Stanislas Dehaene sont parvenus à identifier certaines signatures cérébrales de l’état de conscience chez des patients victimes de lésions cérébrales sévères. Ces informations cliniques seront précieuses pour diagnostiquer l’état de conscience et en prédire la récupération chez ces malades.


Un test qui mesure la conscience chez des patients atteints de lésions cérébrales sévères
Face à un malade victime d’une lésion cérébrale sévère (ex : traumatisme crânien, arrêt cardiaque, hémorragie cérébrale massive,…), il est parfois très difficile de déterminer son état de conscience à l’aide des seules données de l’examen clinique.
 
Dans ce cas, comment savoir si ce malade est conscient du monde qui l'entoure et à fortiori de lui même s'il ne communique pas ? Cette question recouvre des enjeux diagnostics, pronostics et éthiques considérables pour les patients, leurs proches et les personnels soignants. Confrontés à ce défi majeur, plusieurs équipes élaborent depuis une quinzaine d’années de nouvelles mesures de l’activité cérébrale susceptibles d’apporter des éléments de réponse objectifs et fiables à cette redoutable question.
 
Les deux équipes de chercheurs français ont ainsi publié en 2009 un nouveau test consistant à mesurer les réponses cérébrales à différentes formes de nouveauté auditive en enregistrant au lit du malade l’activité électro-encéphalographique (EEG) à l’aide d’un casque d’électrodes. Au cours des années suivantes, ces spécialistes ont pu valider la très grande spécificité de ce test chez de nombreux malades végétatifs, minimalement conscients ou conscients.
 
Dans un travail à paraître dans la prestigieuse revue Brain, ils ont franchi un nouveau palier à partir de l’analyse extensive de près de 200 enregistrements EEG de malades en état végétatif ou en état de conscience minimale. Pour chaque enregistrement, ils ont calculé une centaine de marqueurs EEG différents afin de déterminer lesquelles d’entre eux étaient les plus à même de prédire à la fois l’état clinique actuel des malades, mais également le pronostic de conscience dans les six semaines à venir !
 
Certaines de ces mesures de l’activité cérébrale sont traditionnelles, tandis que d’autres sont issues de nouvelles techniques du traitement du signal. A l’issue de ce travail de grande échelle réalisé par Jacobo Sitt et Jean-Rémi King, certaines signatures cérébrales de l’état de conscience ont ainsi pu être identifiées et validées. En entraînant un algorithme à distinguer, sur la base de ces mesures EEG, les patients cliniquement en état végétatif de ceux en état de conscience dite minimale, les auteurs ont analysé les performances diagnostiques et pronostiques de leur algorithme.
 
Si la majorité des malades cliniquement végétatifs étaient identifiés comme tels par le classificateur mathématique, d’autres malades également végétatifs étaient pourtant diagnostiqués comme « minimalement conscients » par l’algorithme. Afin de mieux interpréter ces « erreurs » de classification de l’algorithme, les auteurs de l’étude ont comparé le devenir des malades végétatifs considérés comme végétatifs par l’algorithme à ceux qui étaient considérés comme étant dans un meilleur état de conscience.
 
De manière surprenante, le pronostic de récupération d’un état de conscience chez ces malades en état végétatif identifiés comme minimalement conscients doublait par comparaison avec celui des malades végétatifs considérés également comme végétatifs par l’algorithme. Ceci suggère que les marqueurs EEG considérés apportent des informations complémentaires aux informations cliniques pour diagnostiquer l’état de conscience et surtout, pour prédire la récupération de la conscience chez ces malades.
 
Dans un avenir que les auteurs veulent proche, des versions simplifiées de ces analyses devraient être rendues disponibles afin de faciliter leur utilisation pour tous les départements cliniques disposant de systèmes d’enregistrement traditionnels de l’EEG. Rappelons que l’EEG est un outil médical très utilisé, peu onéreux, non invasif, répétable à souhait, et qui peut être enregistré au lit du malade.
 
*Les équipes de Lionel Naccache (ICM, CHU Pitié-Salpêtrière, Université Paris 6) et de Stanislas Dehaene (NeuroSpin, Collège de France) travaillent ainsi de concert dans cette direction. 

Source.org/actualites/vers-lidentification-des-signatures-cerebrales-de-la-conscience-au-lit-du-malade

Publié le 23/07/2014 à 15:27 | Lu 791 fois