Successions internationales : ce qui change le 17 août 2015

La Chambre des Notaires de Paris a organisé il y a quelques temps, une rencontre sur le droit des successions internationales. En effet, le 17 août prochain marquera l’entrée en application en France du « Règlement européen du 4 juillet 20121 ». Signé par tous les Etats membres de l’Union européenne à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande, il harmonise les règles applicables aux successions internationales. Détails.


On parle de « succession internationale » dès lors qu’un élément d’extranéité existe dans une succession : biens situés à l’étranger, résidence habituelle du défunt à l’étranger et biens situés en France... Ces successions internationales sont fréquentes : 450.000 par an dans l’Union Européenne, soit une sur dix.
 
Au sein de l’UE, il existe deux millions et demi de biens immobiliers appartenant à des personnes qui résident dans des Etats différents du lieu de situation de ces biens. Chaque année, la valeur de ces successions à dimension internationale est supérieure à 123 milliards d’euros 2.
 
Les règles applicables aux successions internationales avant le 17 aout 2015

Jusqu’à présent, en France, les règles qui s’appliquent aux successions internationales ne sont pas les mêmes pour les biens meubles (comptes bancaires, parts de sociétés, œuvres d’art, mobiliers...), pour lesquels la loi du dernier domicile du défunt s’applique, et les biens immobiliers, pour lesquels on se réfère à la loi du pays dans lequel ils sont situés.
 
Dans ce dernier cas, la loi française renvoie donc à l’application d’une loi étrangère. Mais hors de nos frontières, ces principes ne sont pas toujours les mêmes. On peut donc rencontrer des « conflits de lois ». Il est alors difficile de déterminer les règles applicables.
 

Qu’est-ce qui change à compter du 17 aout 2015 ?

Les biens du défunt (mobiliers et immobiliers) ne seront plus à l’avenir scindés en deux ensembles : ils seront régis par la même loi.

La détermination de la loi applicable à la succession internationale :

Le principe
Le champ d’application du règlement européen

Le Règlement européen du 4 juillet 2012 s’appliquera :

- aux successions qu’il y ait ou non un testament, un pacte successoral ou un trust,

- aux successions internationales c’est-à-dire lorsqu'il y aura un élément d'extranéité. Cet élément se rencontre dans deux cas : le défunt est décédé dans un pays autre que celui de sa nationalité ou de sa résidence ; ou il possédait des biens dans un Etat autre que celui de sa nationalité ou de sa résidence.

- aux successions ouvertes (c’est-à-dire aux décès) à compter du 17 août 2015.
 
La loi applicable avant l’entrée en vigueur du règlement

Aujourd’hui, le droit international privé connaît deux systèmes :

- la scission (notamment en France et au Royaume-Uni) : plusieurs lois peuvent s’appliquer pour une même succession. Les immeubles sont « partagés » selon la loi du pays où ils sont situés, les meubles et les actifs financiers selon celle de la dernière résidence habituelle du défunt.

- l'unité (en Allemagne, au Danemark, en Espagne, Italie, Portugal…) : une seule loi s’applique à tous les biens successoraux, celle de la nationalité du défunt ou celle de son dernier domicile.
 
La loi applicable après l’entrée en vigueur du règlement

Une loi unique régira l'ensemble des biens composant la succession. Il s’agira de la loi de l'Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès (article 21 du Règlement),

- même s'il s'agit de la loi d'un Etat non-membre de l'Union européenne,

- en quelques lieux que se trouvent les biens appartenant au défunt.
 
Les exceptions au principe

Le défunt entretenait des liens plus étroits avec un autre Etat que celui de sa résidence habituelle. En effet, l’article 21, alinéa 2, du Règlement prévoit que « lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un Etat autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1 (la loi du dernier domicile), la loi applicable à la succession est celle de cet autre Etat ».
 
Exemple : un Belge vivant et travaillant en Italie décède en France où se trouvent localisés ses intérêts familiaux et patrimoniaux. Sa succession sera soumise à la loi française car il entretient des liens plus étroits avec la France qu’avec l’Italie.
 
Le renvoi

Si la loi d’un Etat tiers (c’est-à-dire un Etat non signataire du Règlement communautaire) s’applique, il faudra prendre en compte les règles de conflits étrangères, on parle de « renvoi ».
 
Exemple : une personne, de nationalité française, résidait depuis longtemps en Italie et y décède : ses biens seront dévolus à ses héritiers conformément à la loi italienne, loi de sa résidence habituelle.
 
En revanche si cette personne vivait et décède au Maroc, sa succession sera régie selon le droit français : en effet, le droit international marocain prévoit le renvoi à la loi nationale du défunt, ici la loi française (le Maroc étant un Etat tiers).
 
Toutefois, cette règle n’est pas applicable :

- lorsque la loi désignée par le Règlement est celle d’un Etat avec lequel le défunt présentait des liens plus étroits (que celle de son dernier domicile),

- lorsque le défunt a choisi la loi applicable à sa succession avant son décès, on parle de « professio juris »,

- lorsque la loi de la succession est celle du lieu de situation de certains biens qui, en raison de leur destination économique, familiale ou sociale, relèvent de la loi de cet Etat.
 
Le respect de l’ordre public

Le notaire chargé de régler la succession ou un juge, en cas de conflit, peut écarter une disposition de la loi désignée compétente si elle apparaît contraire à l’ordre public de son propre pays.
 
Exemple : discriminations liées au sexe, à la race ou encore à la religion.

Publié le 30/06/2015 à 01:00 | Lu 8633 fois