Santé connectée et prévention cardiovasculaire

Les 26èmes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie se tiendront du 13 au 16 janvier 2016 à Paris, au Palais des Congrès de Paris. Cette année, le fil conducteur du congrès sera : « La cardiologie connectée ». Le Dr Claire Bouleti de Paris fait le point sur la santé connectée et la prévention cardiovasculaire.


Nous sommes dans un monde où le nombre d’objets connectés est en pleine expansion. Tout a commencé avec les joggers et leurs comptes de calories, leurs niveaux de performances, etc. Les applications de running se sont rapidement déclinées en trackers d’activité comme les bracelets ou les montres connectées.
 
Parmi les applications à visée réellement médicale, citons le pill-up (bouton « intelligent » qui se colle sur les boîtes de médicaments pour rappeler aux patients de prendre leur traitement) ou le « machine learning », un apprentissage automatique pour diagnostiquer les électrocardiogrammes (qui devrait être le futur gold standard).
 
Certaines applications dans le domaine cardiologique laissent rêveur. Que dire de ce nouveau stéthoscope connecté qui permet d’enregistrer le rythme cardiaque et de l’envoyer par bluetooth sur un ordinateur ou un smartphone ? Grâce à ce système, il est maintenant possible de : créer sa base de données ; partager les résultats en temps réel ; et d’avoir une aide au diagnostic.
 
Cette application pourrait non seulement être utile aux cardiologues mais également aux médecins généralistes, au cabinet ou à domicile. On peut envisager de combiner les logiciels d’aide à la consultation avec les photos des patients, leur auscultation et leur électrocardiogramme numérisé (outil développé par Cardiologs).
 
Avec le partage des données médicales, les médecins n’auront bientôt plus à récupérer ne serait-ce que les antécédents ou le traitement d’un patient. Rien qu’en disposant des antécédents des patients de manière adéquate, les diagnostics seraient améliorés et les coûts diminués. Il est tout à fait possible d’imaginer nos patients venant au cabinet avec les résultats de leurs appareils de mesure connectés (podomètre, glucomètre, tensiomètre, etc.) et nous devrons alors être capables de faire face à ces nouvelles informations.
 
Pour l’heure, en termes de santé connectée, les bases de données sont encore de petite taille (Small
Data) mais l’évolution technologique va permettre :
- de connecter ces différentes données entre elles ;
- de centraliser l’information pour en faire des Big Data ;
- d’organiser les données médicales multiples et dispersées pour aider les médecins dans leur diagnostic : le Smart Data.
 
Les Big Data pourraient non seulement servir à des recherches cliniques, épidémiologiques et thérapeutiques formidables, mais également être exploitées à des fins commerciales. Nous voyons le balbutiement des objets connectés mais, sous peu, la quantité de données à traiter sera telle que les médecins vont avoir besoin d’être assistés par les machines pour le diagnostic (IBM l’a parfaitement compris en créant son programme informatique Watson analytics).
 
Nous vivons une petite révolution conceptuelle et cette technologie est inéluctable. Reste à savoir si la France réussira à amorcer cette mutation sans trop de retard ou cultiver un certain anachronisme. Mais cette avancée technologique soulève de nombreuses questions : qu’en est-il de la protection des données médicales ? Que dire de la fracture sociale que pourrait entraîner cette nouvelle médecine ?
En effet, les objets connectés sont pour l’heure achetés principalement par la tranche des 25-44 ans de statut socio-économique moyen-haut. Enfin, reste à évaluer l’utilité de ces nouvelles technologies en termes de prévention cardiovasculaire. Quel taux d’utilisateurs font réellement leur 10.000 pas par jour grâce à leur tracker d’activité ? Quelles retombées en termes de santé publique ? Les applications smartphone peuvent-elles réellement améliorer l’observance médicamenteuse ?
 
Les résultats de l’étude AEGAN laissent penser que ce n’est pas le cas, alors qu’au contraire une étude marseillaise sur l’envoi de SMS après implantation de stent montrait une amélioration de la prise des traitements anti-plaquettaires.
 
Toutes ces questions ne sont pas résolues, loin de là. Nous n’en sommes qu’aux prémices de l’ère 4.0 mais il est important de comprendre que la question n’est plus de savoir SI mais QUAND nous serons confrontés en tant que praticiens à ces nouvelles technologies… 

Publié le 12/01/2016 à 01:00 | Lu 2912 fois