Rétines artificielles : on y voit plus clair

En comparant, chez le rongeur, l'activité du cortex visuel générée artificiellement par des implants rétiniens à celle produite par les yeux lors d’une « vision naturelle », des chercheurs français* ont pu améliorer la précision de ces prothèses. Ces travaux ouvrent la voie à de nouveaux progrès pour les prothèses chez l'Homme !





Formidable défi thérapeutique, les prothèses rétiniennes, développées depuis une dizaine d'années, permettent à certaines personnes aveugles de percevoir des signaux lumineux, mais l'image restituée reste encore loin d'être précise. C’est le moins qu’on puisse dire. De gros progrès restent à faire !  
 
Rappelons que la prothèse rétinienne est composée de trois éléments : une caméra (insérée dans des lunettes), un microcircuit électronique (qui transforme les informations de la caméra en un signal électrique) et une matrice d'électrodes microscopiques (implantée dans l'œil au contact de la rétine).
 
Cette prothèse se substitue aux cellules photo-réceptrices de la rétine : comme elles, elle convertit les informations visuelles en signaux électriques, qui sont ensuite acheminés jusqu'au cerveau via le nerf optique. Elle peut par exemple, traiter la cécité causée par la dégénérescence des photorécepteurs de la rétine, à condition que le nerf optique demeure fonctionnel (c’est le cas des personnes âgées atteintes de DMLA).
 
Équipés de ces implants, les patients -totalement aveugles- recouvrent des perceptions visuelles sous forme de tâches lumineuses : les phosphènes. A l'heure actuelle malheureusement, les signaux lumineux perçus ne sont pas assez nets pour reconnaître des visages, lire ou encore se déplacer en parfaite autonomie.
 
Pour comprendre les limites de résolution de l'image générée par la prothèse et trouver des pistes pour optimiser le système, les chercheurs ont mené une vaste expérimentation sur le rongeur. Conjuguant leurs compétences en ophtalmologie et en physiologie du système visuel, ils ont comparé la réponse du système visuel d'un rongeur à des stimuli visuels naturels et à des stimuli produits par la prothèse.
 
Ces travaux ont montré que la prothèse active le cortex visuel du rongeur à la bonne position et avec des amplitudes comparables à celles obtenues en conditions naturelles. Par contre, les activations sont beaucoup trop grandes et de forme trop allongée. Cette déformation est due à deux phénomènes distincts observés au niveau de la matrice d'électrodes. Tout d'abord, les chercheurs ont observé une trop grande diffusion électrique : la mince couche de liquide située entre l'électrode et la rétine diffuse passivement le stimulus électrique aux cellules nerveuses voisines. D'autre part, ils ont détecté l'activation non désirée de fibres rétiniennes situées dans le proche voisinage des cellules cibles à stimuler.
 
Forts de ces conclusions, les scientifiques ont pu améliorer les propriétés de l'interface prothèse-rétine avec l'appui de spécialistes en physique des interfaces. Ensemble, ils ont pu générer des courants moins diffus et améliorer significativement l'activation artificielle et par conséquent la performance de la prothèse.
 
Cette étude de longue haleine, par son espace paramétrique (pour étudier les différentes positions, formes et intensités du signal) et par la difficulté de la chirurgie (pour poser l'implant et pour enregistrer l'imagerie générée dans le cerveau de l'animal) ouvre la voie à de prometteuses améliorations des prothèses rétiniennes pour l'Homme. Ces travaux, publiés en août 2016 dans la revue scientifique eLife.
 
*du CNRS, du CEA, de l'Inserm, de l'AP-HM et d'Aix-Marseille Université ont identifié deux facteurs limitant la résolution des prothèses. 

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Article publié le 24/08/2016 à 01:00 | Lu 1529 fois