ROAD : lancement du premier réseau de laboratoires de recherche dans l'arthrose (partie 2)

Soutenu par la Fondation Arthritis, impliquée depuis un quart de siècle dans la recherche sur les rhumatismes inflammatoires, le réseau ROAD réunit sept laboratoires français (basés à Nantes, St Etienne, Nancy, Montpellier et 3 à Paris) qui ont pour objectif de trouver ensemble, de vraies perspectives de traitements curatifs à l’arthrose, inexistant à ce jour. Explications.





Le réseau ROAD : une première en France

L’année 2014 marque le lancement du premier réseau de chercheurs. Pour la première fois en France, 7 laboratoires vont travailler ensemble sur l’arthrose et plus spécifiquement sur la recherche de cibles thérapeutiques efficaces.
 
Les mécanismes moléculaires impliqués dans l'arthrose restent largement inconnus. A ce jour, cette maladie reste incurable, dû à un manque de nouvelles cibles thérapeutiques et à une difficulté à définir le pronostic à un stade précoce de la maladie. Aussi, les instances européennes ont-elles décidé d’agir et d’inscrire l’arthrose comme une priorité dans l’Europe de la Recherche (« Horizon 2020 »).
 
Le consortium ROAD est un projet très ambitieux mené par la Fondation Arthritis et coordonné par le Pr Jérôme Guicheux, directeur de recherche INSERM, co-directeur INSERM U791 à Nantes.
Portrait
 
Objectif N°1 : classifier les différents types d'arthrose chez la souris
Travail piloté par le Professeur Francis Berenbaum, professeur des universités, praticien hospitalier, université Pierre&Marie Curie, AP-HP Hopital Saint-Antoine, Paris.
 
Les chercheurs vont reproduire les différentes formes d'arthrose chez des souris, afin de pouvoir observer et comprendre ce qui se passe dans leur organisme. 

Leur but : découvrir le(s) mécanisme(s) moléculaire(s) qui vient (viennent) déclencher la destruction prématurée du cartilage, pour mieux pouvoir ensuite les contrer avec un traitement ciblé.
 
Plusieurs pistes de recherche sont en cours comme par exemple comprendre le rôle exact des cytokines (protéines naturelles produites par des cellules de l’articulation, et par le tissu adipeux chez les obèses) dans le déclenchement et l’extension de la maladie, comprendre comment le stress mécanique et l'inflammation agissent sur la destruction du cartilage, Dans tous les cas, les chercheurs tentent de trouver puis d’identifier des molécules spécifiques de chaque type d'arthrose, une première étape indispensable vers la mise au point de traitements ciblés. Peut-être ces travaux sur la souris permettront-ils aussi d'identifier des biomarqueurs de la maladie, c'est-à-dire des caractéristiques biologiques mesurables qui pourront ensuite être utilisées pour le dépistage, le diagnostic, la réponse à un traitement. Enfin, ces découvertes à venir sur la compréhension des mécanismes de dégradation du cartilage devraient aider à la conception de biomatériaux qui mimeront avec efficacité le tissu vivant.
 
Objectif N°2 : classifier chez l'homme, les arthroses du genou et créer la première banque nationale de tissus humains arthrosiques
Travail piloté par le Pr Francois Rannou, rhumatologue et rééducateur, Hôpital Cochin, Paris et INSERM U1124
 
En partenariat avec les sept CHU participant à ce projet, les chercheurs vont collecter, avec le consentement éclairé des patients, les genoux arthrosiques qui ont du être remplacés par une prothèse. Chaque tissu (synovial, cartilage, graisse et os) sera ensuite classé selon différentes caractéristiques biologiques (âge, sexe, origine), et répertorié selon des règles très précises afin de pouvoir être mis à disposition des chercheurs du monde entier qui en feront la demande.
 
Cette biobanque tissulaire, une première mondiale, devrait s'enrichir chaque année et ainsi constituer rapidement un outil de travail de qualité, disponible en grande quantité. Les différentes recherches qui pourront être menées grâce à cette biobanque devraient permettre de mieux comprendre les mécanismes d'altération de l'état de santé, de diagnostiquer l'arthrose plus précocement, de prévoir son évolution (voire son déclenchement) et de mettre au point des traitements personnalisés.
 
Objectif N°3 : Identifier de nouveaux biomarqueurs et des cibles spécifiques, afin de développer des stratégies thérapeutiques innovantes
Travail piloté par le Pr Christian Jorgensen, Montpellier Inserm U844
 
A l'heure actuelle, plusieurs techniques chirurgicales, notamment des greffes de chondrocytes (cellules du cartilage), sont capables de restaurer le cartilage, mais elles sont insatisfaisantes car difficiles à mettre en place. L'une des thérapies d'avenir est l'utilisation de biomatériaux pour véhiculer des cellules souches jusque dans l'articulation, afin de régénérer le cartilage ou de le remplacer. Mais pour y parvenir il faut d'abord mieux comprendre la biologie de ces cellules souches mésenchymateuses (CSM).
 
Parallèlement il faut développer de nouveaux biomatériaux. On sait déjà régénérer l'os avec des gels, des céramiques, il faudrait maintenant développer « un gel qu'on va injecter dans le genou par exemple et qui va transporter des cellules au pouvoir antiinflammatoire », explique le Pr Guicheux. « Autre piste : trouver le biomatériau idéal et l'utiliser en tant que matrice, l’ensemencer avec des cellules appropriées et y ajouter des molécules biologiquement actives (facteurs de croissance) permettant aux cellules de se différencier et de se multiplier vers le tissu à régénérer. On peut aussi imaginer des cellules que l'on pourrait « encapsuler » comme une bulle de savon, afin qu'elles transportent des anticorps dirigés contre une protéine qui s'exprime dans l'arthrose ».
ROAD : lancement du premier réseau de laboratoires de recherche dans l'arthrose (partie 2)

A quoi sert une biobanque ?

Sur le même principe qu'une bibliothèque, une biobanque renferme une collection d'échantillons biologiques destinés à la recherche scientifique, en biologie et en médecine. Ces échantillons biologiques sont associés à des données démographiques, biologiques et cliniques concernant le patient de qui proviennent les échantillons, ainsi que des données inhérentes au type d’échantillon et sa traçabilité.
 
Les biobanques permettent de comprendre les facteurs biologiques et environnementaux des pathologies, qu'il s'agisse des mécanismes de développement et de progression d'une maladie, du suivi de cohortes de populations (analyse de leurs expositions à différents facteurs environnementaux, interactions gènes-environnement) ou encore de la détermination de biomarqueurs, véritables indicateurs de processus biologiques ou de réponses aux traitements.
 
Les cellules souches mésenchymateuses : une piste prometteuse

Les cellules souches mésenchymateuses (CSM) proviennent essentiellement de la moelle osseuse. Mises en culture, elles ont la particularité de pouvoir se transformer en cellules graisseuses (adipocytes), osseuses (ostéoblastes) ou cartilagineuses (chondrocytes) et de s'auto-renouveler. Les chercheurs espèrent pouvoir injecter ces CSM aux patients pour réparer et prévenir les lésions du cartilage dans les articulations. Autre piste de recherche : utiliser les CSM pour libérer des substances qui envoient un signal aux propres cellules du patient pour réparer les dommages. La difficulté est de les véhiculer jusqu'à l'articulation et de s'assurer qu'une fois parvenues au cartilage, elles ne seront pas éliminées ni dispersées.
 
Vous avez dit biomatériaux ?

Les biomatériaux sont définis comme des « matériaux non vivants utilisés dans un dispositif médical et conçus pour interagir avec des systèmes biologiques ». Parmi les matériaux utilisés, on trouve des métaux, des céramiques, des polymères, des matériaux d’origine naturelle (corail, collagène...) et depuis peu des matériaux hybrides qui intègrent des cultures in situ de cellules souches dans le but de régénérer un tissu ou un organe lésé. Les biomatériaux sont soumis à plusieurs contraintes lors de l’implantation chez un patient. Ils doivent supporter les contraintes physiques exercées par le corps humain (pression des articulations par exemple) et chimiques, n'avoir aucun impact négatif sur la santé du patient (risque d’infection, rejet, substances toxiques ou cancérigènes).  

Article publié le 01/12/2014 à 09:11 | Lu 2242 fois