Pas de Silver Economie sans les seniors (1) : chronique de Serge Guérin

L’invention de la Silver Economie a contribué à changer la donne culturelle. En effet cette notion synthétise la volonté de traduire sous la forme d’activité économique et de développement de l’emploi, la transition démographique. Pour clarifier les choses, il suffit de signaler qu’un marché qui va représenter le quart de la population et, d’ici à 2050, plus du tiers, impose une transformation majeure de l’offre et des circuits de distribution. Une transformation qui se déroule sur fond d’innovations technologiques.


Serge Guérin
On peut estimer que la SIlver Economie repose sur trois axes : développement économique global pour répondre aux besoins et usages des seize millions de plus de 60 ans ; transformation de l’écosystème du soin et de la santé sous la pression des démarches de e-santé et de la chronicisation de la maladie ; et enfin, investissements dans l’innovation technologique, en s’appuyant sur la ville intelligente (smart city) et l’adaptation du logement, comme dans l’innovation sociale en privilégiant les logiques de mutualisation, de participation sociale et de territoire de vie.
 
Il convient de souligner que la Silver Economie s’adresse à des publics âgés dont les modes de vie, les situations économiques et sociales, l’organisation familiale ou encore les revenus sont pluriels, et peuvent être très différents.
 
Rappelons tout d’abord que le soutien de cette filière ne bénéficiera pas seulement aux publics âgés mais aura aussi des effets sur l’ensemble de la société, en termes d’emplois, de relations humaines, d’innovations technologiques et sociales, d’orientation de la consommation, de configuration des territoires…
 
Il s’agit d’abord de répondre aux attentes réelles et non de plaquer des représentations et des solutions toutes faites ! Une des fragilités majeures de la Silver Economie, c’est la méconnaissance des publics seniors par une large partie des nouveaux acteurs du secteur… La question est de faire avec la « génération silver » et non pas pour un public imaginaire.
 
Cette approche est défendue par l’OMS avec le lancement au début des années 2000 de l’initiative Ville Amie des Aînés. Cette démarche, reprise en France par le Réseau Francophone Ville Amie des Ainés, vise à appréhender la question senior sous une diversité d’axes et sans prioriser sur les questions de santé et de perte d’autonomie ; il s’agit au contraire de favoriser un cadre de vie qui facilite et conforte la vie autonome des plus de 60 ans.
 
De même, la société de la longévité est aussi porteuse d’un potentiel d’emplois nouveaux (350.000 créations d’ici à 2020 rien que dans les services à la personne selon la Dares, développement de nouveaux métiers : care manager, assistante sociale téléphonique, coach prévention, silver animateur, soutien aux aidants de proche,… ), d’innovations technologiques, sociales et culturelles, d’inventions de nouveaux produits adaptés aux besoins et aux usages de la Silver Génération, fragilisée ou non, de nouvelles activités dans le domaine du service et de la distribution.
 
La prévention en faveur d’un vieillir durable et convivial, la recherche de démarches favorisant l’implication des seniors dans la vie du territoire dépassent très largement la simple approche économique. Il s’agit bien d’inventer une société de la longévité au sens où elle concerne tous les âges.
 
Dans cette optique, l’écosystème mutualiste a certainement un rôle spécifique à jouer pour susciter des démarches novatrices et pour entraîner des entrepreneurs, privés lucratifs comme associatifs, à innover et proposer des solutions qui respectent les personnes et répondent à leurs usages et besoins.
 
Beaucoup de ces solutions tournent autour de systèmes de surveillance, d’alerte ou d’encadrement à distance de personnes en perte d’autonomie, mais aussi pour d’autres, simplement en risque de fragilisation ou souhaitant s’inscrire dans une démarche de prévention et/ou de sécurisation. Ces dispositifs, qui se multiplient, visent souvent à rassurer l’entourage et à pallier la présence insuffisante ou considérée comme trop onéreuse de personnels d’accompagnement et de soin.
 
Fondées sur des techniques de détection des mouvements, du suivi par GPS ou encore de la tension ou du rythme cardiaque de la personne concernée, ces solutions sont de fait intrusives et impliquent aussi une capacité de réaction concrète qui implique un dispositif humain (proches et/ou professionnels) suffisamment dense.
 
Le caractère stigmatisant, voire humiliant, de ces équipements ne doit pas être minoré. D’autres solutions conduisent à truffer l’espace de vie de la personne de capteurs voire de caméras vidéo pour suivre et détecter des mouvements considérés comme insuffisants ou anormaux. Là encore, l’aspect de surveillance et d’intrusion dans la vie privée peut rebuter. Mais aussi la question du coût de l’équipement et de l’intervention.
 
Mais ces solutions répondent à une réalité qui provoque une forte inquiétude des proches : le risque de chute. Plus du quart des hospitalisations des plus de 85 ans provient d’une chute à domicile.
 
Serge Guérin
Professeur à l’INSEEC Paris
Dernier ouvrage « Silver Génération : Combattre les idées reçues sur les seniors » ; Michalon

Publié le 15/04/2016 à 01:00 | Lu 2172 fois