Ostéoporose : pour que la première fracture soit aussi la dernière (partie 1)

Pour faire face au déni général de la réalité auquel on doit faire face dans le cas de l’ostéoporose, l’Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale (AFLAR) et l’Alliance Nationale contre l’Ostéoporose ont organisé les Etats Généraux contre l’Ostéoporose. Cet état des lieux appelle à une réponse forte et engagée de la part des autorités de santé.





L’ostéoporose est une maladie sous-diagnostiquée et sous-traitée : les patients la considèrent comme une conséquence naturelle du vieillissement et sa prise en charge par les médecins ne cesse de baisser depuis dix ans.
 
Si ce déficit perdure, on devra affronter dans les années à venir un « tsunami » de fractures, essentiellement du col du fémur et vertébrales. Ce constat est d’autant plus inquiétant que même après une 1ère fracture les malades ne sont pas assez suivis : 51% des patients ne revoient aucun médecin dans le mois qui suit leur hospitalisation et seuls 15% des patients font l’objet d’un traitement. Par conséquent, 29% sont ré-hospitalisés pour rechute. Et en cas de deuxième rechute, ce sont 20% des patients qui en meurent.
 
En Europe, l’ostéoporose concerne plus de 22 millions de femmes de plus de 50 ans (22% de la population) et 5,5 millions d’hommes (7%). Rappelons aussi que la fracture ostéoporotique par fragilité osseuse, touche un tiers des femmes après 50 ans (ainsi, parmi 100 femmes ménopausées, 40% auront au moins une fracture par fragilité osseuse avant la fin de leur vie) et 20% des hommes.
 
En France en 2010, le nombre de fractures chez les femmes et les hommes était de 393.000, dont 90.000 fractures du col du fémur, 56.000 fractures vertébrales, 56.000 fractures du poignet et 191.000 autres fractures (bassin, côtes, humérus, tibia-péroné, clavicule, omoplate, sternum et autres fractures du fémur) : toutefois, plus des deux-tiers (68%) de ces fractures survenaient chez la femme.
 
Il convient de rappeler que l’ostéoporose est une maladie à part entière. Elle ne fait pas partie, comme on le pense, des pathologies naturelles associées au vieillissement de l’organisme. En cela, elle n’est ni normale ni acceptable. Elle ne saurait non plus être banale, et cela pour une raison simple : l’ostéoporose tue ! Certes, elle ne tue pas de façon « directe » mais mène à une issue fatale après une fracture du col du fémur dans pas moins de 20% des cas. Une personne sur cinq en meurt dans ce cas précis.
 
Par ailleurs environ la moitié des victimes d’une fracture de hanche ne retrouvera pas son autonomie antérieure, ce qui les conduit fréquemment à quitter leur domicile pour vivre en institution. Parmi les survivants, un petit tiers (30%) des patients entre dans la dépendance permanente, 40% sont incapables de marcher sans aide et 80% de réaliser sans aide, au moins une activité de la vie courante.
 
Dans ce contexte, on constate comme un hiatus entre la connaissance que l’on a de la gravité de cette maladie qui appelle, sans équivoque, une réponse forte et engagée de la part des autorités de santé, et la sous-dimension de la prise en charge qui lui est appliquée. Insuffisamment standardisée et codifiée, pas assez ciblée et/ou trop restrictive, mal coordonnée ; trop nombreuses sont ses insuffisances constatées par les professionnels de santé et supportés par les patients. Des insuffisances qui appellent, de toute urgence, un travail de remédiation, à des fins d’amélioration de la santé publique et de réduction des coûts pour notre système de santé.

Grâce à cette première grande enquête nationale inédite sur l’ostéoporose auprès de patients (ayant connu ou non un épisode de fracture) et de médecins généralistes, l’Aflar a voulu identifier les attentes et les besoins des uns et des autres quant à la prise en charge d’une pathologie qui, bien qu’elles les concernent au premier chef, leur est parfois difficile à appréhender.
 
D’octobre 2016 à juin 2017, 417 patients directement concernés par l’ostéoporose (94% de femmes, 6% d’hommes) ont répondu aux questions qui leur étaient posées sur le site de l’Aflar par la première enquête nationale leur étant destinée. La surreprésentation des femmes dans l’échantillon ne doit pas surprendre ; elle s’explique par la forte prévalence de la maladie dans cette catégorie de population, 4 millions étant touchées par l’ostéoporose en France.
 
Parmi ces répondantes, 70% étaient âgées de 50 à 69 ans au moment de l’enquête, 20% avaient moins de 50 ans et un tiers travaillaient encore. « Preuve, s’il en fallait, que l’ostéoporose n’est pas la « maladie de vieux » que l’on se plait parfois à imaginer pour ne pas s’en soucier », commente Françoise Alliot-Launois, responsable du Pôle Ile-de-France et vice-présidente de l’Aflar.
 
Pour Françoise Alliot-Launois, ce qui frappe de prime abord à la lecture des résultats de l’enquête, c’est justement le nombre inquiétant d’approximations, d’idées fausses, voire de croyances, que l’on retrouve exprimées par des personnes qui sont pourtant directement concernées par l’ostéoporose : « On pourrait imaginer que le déficit d’information constaté chez les patients qui ont répondu concerne des points très précis, très médicaux ou très techniques, mais il n’en est rien. Dès la première approche de la maladie, le malentendu est profond : si 56% des répondants associent l’ostéoporose à une maladie grave, 27% estiment que ce n’est pas le cas, quand seuls 17% la reconnaissent pour une maladie qui peut être très grave ».
 
Des chiffres qui doivent d’autant plus interpeler que la moitié de ces mêmes répondants déclare être concernée personnellement par une perte de taille excédant 3 cm ! Ce paradoxe en dit long : « La maladie est complètement banalisée. Trois centimètres perdu c’est tout sauf anodin, mais dans l’esprit des patients, cela n’est pas associé à un problème sérieux. Or quand on sait -et il est à noter que 70% des répondants nous ont indiqué le savoir- que ces centimètres perdus sont le fait de fractures vertébrales silencieuses, on peut prendre la mesure du problème ».
 
L’un des premiers obstacles à une prise en charge adaptée de l’ostéoporose est donc la mésestimation de sa gravité et cela dans des proportions inattendues ; pour Françoise Alliot-Launois : « Lire que respectivement 44% et 47% des répondants, tous personnellement concernés par l’ostéoporose, estiment que cette maladie est aussi grave qu’un problème d’allergie et d’asthme, laisse imaginer l’état probable des connaissances de la population générale sur le sujet ».
 
Et de poursuivre : « On peut d’autant plus s’étonner qu’en vis-à-vis de ces réponses, les patients ne nient pas en avoir peur, 65% déclarant craindre de faire une chute, qu’ils aient déjà été victime d’une fracture ou non. Autres chiffres, autre paradoxe : les répondants sont aussi nombreux à reconnaître à cette maladie, qui ne leur semble pas pourtant si grave que cela, une capacité de nuisance certaine : ainsi sont-ils 54% à déclarer que l’ostéoporose a un impact négatif sur leur moral, 44% sur l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et 25% sur leur vie professionnelle. »
 
Le chiffre qui doit peut-être retenir l’attention in fine est peut-être celui-ci : 69% des patientes non fracturées confessent une incertitude quant à l’évolution de la maladie (52% chez les femmes déjà fracturées). Une incertitude qui fait écho à leur méconnaissance de la pathologie et à la relation complexe et paradoxale qu’elles entretiennent avec cette dernière.
 
La lecture de ces chiffres met au jour une divergence dans les attitudes, perceptions et attentes des patientes, selon qu’elles ont déjà subi une fracture ou non. Elle permet aussi de saisir toutes la complexité de la relation qu’elles entretiennent avec une maladie dont elles méconnaissent les caractéristiques et sont tentées de nier la gravité, la comparant même à des affections relativement bénignes, mais qu’elles craignent et dont elles reconnaissent d’ailleurs l’impact délétère sur leur qualité de vie.

Article publié le 18/10/2017 à 08:42 | Lu 1712 fois