Obésité abdominale : avoir du ventre… une forme de surpoids dangereuse…

Ce que l’on appelle généralement l’embonpoint, mot qui semble totalement inoffensif voire même « mignon », pourrait s’avérer plus dangereux qu’on le croit… En effet, un excès de poids localisé au niveau de l’abdomen constitue une véritable menace cardiovasculaire majeure qui n’est pas toujours prise en compte dans l’évaluation du risque. Explications.


Nous connaissions déjà les importants facteurs de risque cardiométaboliques que sont le tabagisme, l’hypertension et l’hypercholestérolémie. Les avancées de la recherche médicale ont ainsi permis à ces facteurs de risque d’être identifiés et traités. Ainsi, la mortalité par maladie coronarienne a diminué de 50% en 50 ans!

Aujourd’hui, l’ICCR (Chaire internationale sur le risque cardiométabolique) met à nouveau en exergue d’autres facteurs qui augmentent le risque de développer des maladies cardiovasculaires : la surconsommation de produits alimentaires transformés, à forte densité énergétique et à faible valeur nutritive, associée à un mode de vie de plus en plus sédentaire.

Ainsi, un style de vie « toxique », comprenant une consommation excessive de calories et une dépense énergétique trop faible conduit à l’obésité et au diabète de type 2, conditions ayant des conséquences néfastes pour la santé.

Cependant, bien que l’obésité soit un problème de santé publique reconnu, un excès de poids localisé au niveau de l’abdomen constitue également une menace cardiovasculaire majeure qui n’est pas toujours prise en compte dans l’évaluation du risque. Par ailleurs, un excès de lipides dans certains organes comme le foie ou le muscle cardiaque (communément appelé dépôts de graisse ectopique) est aussi délétère pour la santé cardiométabolique.

Aujourd’hui, le docteur Jean-Pierre Després, directeur scientifique au Centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (Canada) propose, dans un article de synthèse, le bilan des connaissances actuelles sur l’obésité abdominale, les différents dépôts de graisse ectopique et le risque cardiovasculaire associé, suite à une invitation du bureau éditorial de la prestigieuse revue « Circulation » de l’ « American Heart Association ».

Obésité abdominale : avoir du ventre… une forme de surpoids dangereuse…
« Avoir du ventre », une forme de surpoids dangereuse

Les complications de l’obésité abdominale

De fait, même si l'obésité accroît le risque de diabète 2 et de maladies cardiovasculaires, tous les obèses ne sont pas diabétiques ou à haut risque cardiovasculaire. En pratique, « le tour de taille constitue déjà un marqueur du diabète ou de maladies cardiovasculaires bien plus intéressant que le poids santé basé sur l’indice de masse corporelle (IMC) » selon le Professeur Jean Pierre Després.

Par ailleurs, alors que l’accumulation de graisse sous la peau ne semble pas constituer un risque cardiovasculaire important, l’obésité résultant d’une accumulation de graisse viscérale et de lipides ectopiques représente un réel danger pour le système cardiovasculaire. Il est donc très important de mesurer son tour de taille, en sus de l’IMC, pour évaluer convenablement le risque cardiovasculaire.

La graisse hépatique aussi dangereuse que la graisse abdominale

Des conséquences sur le métabolisme du glucose et de l’insuline

Toujours selon le professeur Després de l’ICCR : « Ce qui est particulièrement pathogène dans l'obésité, c'est une répartition anormale de la graisse en excès, stockée dans des sites non souhaitables « ectopiques » : graisse au niveau intra-abdominal, du foie et du cœur ». Cet excès de graisse ectopique va sans doute constituer un désordre cardiométabolique très sérieux en ce début du 21ème siècle : une proportion croissante des patients présente une obésité abdominale et des anomalies métaboliques. Certaines données récentes suggèrent qu’une accumulation importante de graisse au niveau du foie, largement associée à l'obésité abdominale, peut également conduire à des anomalies cardiométaboliques. En effet, le métabolisme du glucose et de l’insuline est perturbé en présence d’une quantité élevée de gras au foie. Ce phénomène contribue à l'intolérance au glucose et explique en grande partie l'état d'hyperglycémie des patients atteints de diabète de type 2.

À partir de ces éléments, il paraît raisonnable de conclure que les quantités de graisse viscérale et de lipides dans le foie sont deux facteurs clés qui déterminent le risque cardiométabolique associé au surpoids ou à l’obésité.

La graisse du muscle cardiaque elle aussi mise en cause

Un cœur trop gras est un cœur qui bat moins bien

Un autre site de dépôt de graisse ectopique est le cœur, qui comprend la graisse du myocarde et le tissu adipeux environnant le cœur. Plusieurs études, y compris les données contenues dans l’étude de Framingham, ont révélé que la taille du dépôt graisseux enveloppant le cœur (graisse épicardique ou péricardique) est associée de façon significative à un profil de risque cardiométabolique détérioré.

Dans son article, le professeur Després souligne que l'excès de graisse viscérale et hépatique agiraient en synergie pour perturber le milieu métabolique, tandis que l'excès de graisse épicardique pourrait représenter un marqueur de l’incapacité relative du cœur à gérer l’afflux important des lipides résultant de la saturation de la capacité de stockage du tissu adipeux sous-cutané.

De toute évidence, la plupart des dépôts de graisse ectopiques étudiés jusqu'ici ont montré une association avec un profil de risque cardiométabolique détérioré, et avec la plupart des manifestations cardiovasculaires : comme par exemple, l'angine de poitrine, l’infarctus du myocarde, la fibrillation auriculaire, l’insuffisance cardiaque, l’accident vasculaire cérébral, etc.). Les conséquences de la localisation de la graisse corporelle représentent donc un domaine important pour la recherche future.

Toutefois, des travaux de recherche ont démontré que les dépôts de graisse ectopique, en particulier l’excès de graisse intra-abdominale, sont mobilisés très rapidement suite à un programme de modifications des habitudes de vie. Il a été démontré que la pratique régulière d’activité physique et une alimentation équilibrée entraînaient une diminution notable du tour de taille et une amélioration du profil de risque cardiométabolique. Ainsi, le professeur Després propose que la mesure du tour de taille et de la capacité cardiorespiratoire soit évaluées afin de prendre en charge de façon adéquate les patients.

En conclusion, on peut désormais affirmer que l'obésité est une condition qui semble s'expliquer, dans une très large mesure, par les variations individuelles concernant la distribution de la graisse corporelle. Ainsi, une accumulation de graisse viscérale et hépatique, constitue un vecteur essentiel du risque cardiométabolique associé au surpoids/obésité. D'autres dépôts de graisse ectopique pourront également contribuer au développement de divers événements cardiovasculaires comme l’excès de graisse au niveau du cœur.

Publié le 12/09/2012 à 09:29 | Lu 3864 fois