Mieux manger pour mieux vieillir : pas de retraite pour la fourchette (partie 1)

Parmi les facteurs environnementaux qui conditionnent la qualité du vieillissement, à côté des activités physiques et des activités sociales qui ont aussi une place prépondérante, la nutrition apparaît comme un élément clef d’un vieillissement harmonieux. Ainsi, pas de retraite pour la fourchette ! Le point avec Monique Ferry*, chercheur à l’Inserm.


Le vieillissement est un processus complexe, multifactoriel et progressif.
 
On ne se réveille pas un jour « vieux » et il y a autant de vieillissements que de sujets âgés : jeunes vieux (à partir de 55 à 70 ans dans le cadre du bien vieillir), « vieux tout court » ou « très grands vieux » qui ont dépassé 85 ans en parfait état de santé. Les situations peuvent être très différentes pour deux individus d’âge équivalent.
 
Il est donc difficile d’expliquer à quel moment il faut changer d’attitude vis-à-vis de son alimentation.
Globalement, il ne s’agit pas de manger moins mais de manger mieux car si le vieillissement est inéluctable, mal vieillir ne l’est pas.
 
On distingue le vieillissement primaire, génétique, et un vieillissement secondaire : un vieillissement acquis que l’on fabrique soi-même et qui est modulé par le mode de vie, en particulier la nutrition, l’activité physique et l’activité intellectuelle. Ces deux paramètres vont modifier la survenue d’éventuelles pathologies et handicaps, que l’on disait auparavant liés à l’âge et qui, en fait, ne le sont pas toujours.
 
Les relations entre nutrition et vieillissement sont à double sens : la nutrition influence le vieillissement comme le vieillissement influence la nutrition. La nutrition a un impact extrêmement important sur les processus biologiques liés au vieillissement : glycation des protéines, production de radicaux libres, rôle délétère de la dénutrition et de la malnutrition qui engendrent des déficits en énergie, en protéines, en vitamines et minéraux (zinc, sélénium, calcium, vitamines notamment B, C, E et surtout D).
 
A l’inverse, certaines conséquences physiologiques du vieillissement ont un retentissement sur la manière de s’alimenter : troubles de l’appétit, dysrégulation du métabolisme protéique, diminution de la masse musculaire ou sarcopénie, diminution de la sécrétion de l’hormone de croissance, perte de masse osseuse ou ostéoporose, etc. Ces relations sont de mieux en mieux étayées scientifiquement.
 
L’avancée en âge peut donc nécessiter certaines adaptations en termes d’alimentation, de manière à apporter à l’organisme tout ce dont il a besoin pour conserver des fonctions de mobilité, de capacités fonctionnelles, de prévention des chutes et des pathologies infectieuses, accélérateurs de vieillissement.
 
A l’heure où la durée de vie ne cesse d’augmenter chez l’homme, s’intéresser à l’alimentation de la personne âgée est devenu incontournable dans le but de favoriser un vieillissement qui soit le plus réussi possible et donc limiter le risque de dénutrition.

La « spirale infernale » de la dénutrition

Pour les personnes âgées, le risque majeur est d’être dénutri. La dénutrition est liée à une carence d’apports, à laquelle peuvent s’ajouter des pathologies ou du stress qui vont augmenter l’anorexie.
 
La dénutrition entraîne amaigrissement, fatigue, risque de chute et surtout un déficit immunitaire, premier symptôme de la perte d’appétit et de la dénutrition chez le sujet âgé. Le déficit immunitaire est lié au fait que le sujet âgé va favoriser le maintien des muscles et des neuromédiateurs cérébraux et ne va pas forcément utiliser ses protéines pour fabriquer des antigènes et des anticorps.
 
Lorsque le déficit immunitaire conduit à une pathologie infectieuse, cette dernière va augmenter encore les besoins en énergie, donc les besoins nutritionnels. Or le sujet âgé a des difficultés à augmenter ses apports pour faire face à des besoins accrus et le différentiel va donc se creuser. Il existe une phase où tout est encore réversible mais les facteurs de risque peuvent s’accroître jusqu’à un stade où l’irréversibilité peut être réelle.
 
La dénutrition a un impact sur la mobilité générale et donc sur l’autonomie et la qualité de vie. Parmi les 10 millions de personnes âgées de plus de 65 ans vivant à domicile, on estime que 4 à 10% d’entre elles souffrent de dénutrition.

Les règles de base

Règle n°1
Garder l’habitude de faire, selon l’âge et les conditions de vie, 3 ou 4 repas ou collations par jour (petit-déjeuner, déjeuner, dîner et éventuellement goûter) et ne pas sauter régulièrement de repas : vieillir en bonne santé demande de manger mieux, sans pour autant manger moins (ni plus d’ailleurs).
 
Règle n°2
Eviter le grignotage, généralement riche en produits très énergétiques, destinés à calmer une faim immédiate, mais le plus souvent pauvre en nutriments indispensables, tels que protéines, acides gras essentiels, fibres, vitamines et minéraux.
 
Règle n°3
Favoriser la diversité alimentaire : il n’existe pas d’aliment « parfait » réunissant tout ce dont on aurait besoin, ni de « mauvais » aliment à bannir à tout prix… d’où la nécessité de manger de tout modérément, seul moyen d’obtenir la variété nécessaire. Il s’agit de puiser chaque jour dans chacun des principaux groupes d’aliments définis par le PNNS, en variant la nature des produits. Les produits sucrés peuvent être consommés de temps en temps, tout comme un verre de vin. Il ne faut jamais oublier l’importance du plaisir de manger.
 
En diversifiant son alimentation, on diminue le risque de carences en certaines vitamines et minéraux. Les plus fréquemment constatées chez la personne âgée sont les suivantes :

• Les vitamines du groupe B (B1, B3, B6, B9 et B12 notamment, cette dernière n’existant que dans les produits d’origine animale), qui jouent un rôle important sur la cognition, que l’on trouve dans la viande, le poisson, les abats, les oeufs, les fruits (banane, orange) les légumes (chou-fleur, épinard, lentilles), le pain complet, les levures, etc.
• La vitamine C, qui a un rôle immunitaire fondamental, que l’on trouve dans les fruits et légumes, notamment les agrumes, le kiwi, les choux ou les poivrons.
• La vitamine D, qui permet en particulier de fixer le calcium sur les os, que l’on trouve dans le beurre, les champignons, les sardines, les harengs, le jaune d’oeuf.. Malgré cela, l’alimentation est souvent dans l’incapacité d’assurer un niveau nécessaire en vitamine D, surtout avec l’âge, et une supplémentation peut alors devenir nécessaire.
• Le sélénium, indispensable au fonctionnement du cerveau et qui contribue à lutter contre le stress oxydatif, que l’on trouve dans les produits laitiers, les viandes, les fruits de mer, les céréales complètes, etc. La supplémentation en sélénium, si elle s’avère nécessaire, doit être contrôlée, car des apports en excès sont toxiques et la marge thérapeutique étroite.
 
Règle n°4
Veiller à boire suffisamment, entre 1 et 1,5 litre par jour. La sensation de soif diminue avec l’avancée en âge mais l’organisme ne peut pas fonctionner correctement s’il n’est pas correctement hydraté.
 
Règle n°5
Ne pas négliger le plaisir que peut générer l’alimentation : un « bon produit », c’est celui qui est « bon » pour la santé, mais aussi bon pour le moral. Le plaisir est un facteur déterminant permettant de maintenir l’envie de manger, parfois mise à mal avec l’avancée en âge. Ce plaisir passe aussi par la convivialité : repas en famille, entre amis, voisins, au restaurant… sont à favoriser, dans la mesure du possible.

Publié le 24/10/2013 à 05:29 | Lu 4115 fois