Maladies cardiovasculaires : présentation des tous premiers résultats de l’étude Mona Lisa

Obésité, cholestérol, diabète, tabac, hypertension : comment ont évolué les principaux facteurs de risque cardiovasculaire de la population française depuis dix ans ? Existe-t-il toujours des disparités géographiques ? Ces facteurs de risque sont-ils mieux pris en charge ? C’est ce qu’a étudié l’enquête Mona Lisa pilotée en toute indépendance par des structures de recherche publique (Institut Pasteur de Lille, Université Louis Pasteur de Strasbourg et INSERM de Toulouse) et réalisée avec le soutien de Pfizer dans la continuité des observations de population du programme Monica-OMS.


L’organisation de la surveillance des maladies cardiovasculaires a débuté en 1985 dans le cadre de l’étude MONICA (MONItoring of trends and determinants of CArdiovascular diseases), étude internationale coordonnée par l’OMS, incluant 38 populations dans 21 pays.

En France, une première enquête de population a été réalisée de 1985 à 1987 pour mesurer les facteurs de risque cardiovasculaire en Haute-Garonne, dans le Bas-Rhin et dans la région de Lille. Une seconde enquête de population a suivi pour effectuer les mêmes évaluations, une décennie plus tard, de 1995 à 1997.

En parallèle, les registres dans ces trois régions estimaient, de façon continue, la fréquence de survenue des évènements cardiovasculaires. En France, ces trois registres sont soutenus par l’Inserm et l’InVS, dans le cadre du Comité National des Registres. Ils assurent en continu la surveillance cardiovasculaire et permettent de définir des tendances évolutives.

Un des objectifs de Monica, était d’établir des corrélations entre l’évolution de l’incidence et de la mortalité des maladies cardiovasculaires et l’évolution des facteurs de risque cardiovasculaire, en s’appuyant sur les mesures de ces facteurs et les données des registres.

En 1997, Monica a permis de répondre à nombre de questions. Oui, il y a bien réellement une réduction de la mortalité par maladies cardiovasculaires. Mais, cette diminution n’est pas homogène selon les pays. Il existe un gradient septentriono–méditerranéen, décroissant du nord au sud. Enfin, cette baisse est non seulement liée à la prise en charge des facteurs de risque, mais aussi et pour une large part, à la progression des traitements donnés à la phase aiguë de la maladie.

Aujourd’hui, la surveillance se poursuit. Les registres continuent leurs estimations. Et une troisième enquête de population a été mise en œuvre : Mona Lisa (MOnitoring NAtionaL du rISque Artériel), dix ans après. Cette dernière s’est déroulée de 2005 à 2007, succédant à l’enquête de 1985 et à celle de 1995, comme un troisième jalon dans ces deux décennies de surveillance des maladies cardiovasculaires. En voici les premiers résultats… .../...

Obésité : une évolution préoccupante
Par le Professeur Philippe Amouyel, Epidémiologiste, Directeur de l’Institut Pasteur, Unité Inserm 744, Lille
Entre 35 et 74 ans, 67,1% des hommes et 50% des femmes présentent une surcharge pondérale ou une obésité et 20,6% des hommes et 20,8% des femmes présentent une obésité. Ces chiffres montrent que les deux tiers des hommes et la moitié des femmes de 35 à 74 ans présentent une surcharge pondérale ou une obésité. Par ailleurs, on constate que la prévalence de la surcharge pondérale et de l'obésité augmente avec l'âge, de 54% pour les 35-44 ans à 77% pour les 65-74 ans chez l'homme et de 31 à 67% respectivement chez la femme.

Que ce soit chez l'homme ou chez la femme, cette prévalence est en moyenne plus faible dans le sud-est de la France (62% à Toulouse contre 88% à Lille chez les hommes et 42% contre 54% chez les femmes). Comparées aux données de prévalence fournies par l'étude Obépi, habituellement utilisées, les chiffres correspondant au sexe et à chaque classe d’âge de Mona Lisa sont supérieurs de 30%. Il faut donc veiller à ne pas sous estimer l'obésité et la surcharge pondérale en France.

Diabète : encore trop de diabétiques déséquilibrés
Par le Professeur Jean Ferrières, Cardiologue, Unité Inserm 558, Toulouse
Les données collectées dans le cadre de l’enquête de population Mona Lisa font apparaître des disparités régionales pour le diabète, avec 9,6% de patients dans la région de Lille, 9,9% dans celle de Strasbourg et 7% dans celle de Toulouse. On note également une grande disparité en fonction de l’âge et du sexe. Entre 35 et 44 ans, 2,4% des hommes et 1,2% des femmes sont diabétiques. Dans la tranche d’âge comprise entre 65 et 74 ans, on dénombre 19,9% d’hommes et 11,5% de femmes.

Ces chiffres suscitent des questions : pourquoi cette progression ? Comment l’enrayer ?
Sur le plan thérapeutique, les analyses faites chez les patients diabétiques mettent en évidence une insuffisance d’efficacité dans la prise en charge. On observe chez une grande part des personnes traitées par antidiabétiques oraux une glycémie anormale. Ainsi, 60,2% des patients ont une HbA1c < 7%. En corollaire, près de 40% de ces sujets ont une glycémie franchement déséquilibrée malgré leur traitement.

Lipides : des patients mal pris en charge
Par le Professeur Jean Ferrières, Cardiologue, Unité Inserm 558, Toulouse
Les dyslipidémies figurent parmi les principaux facteurs de risque cardiovasculaire mesurés dans les trois populations françaises de Mona Lisa. Pour les 4.832 sujets de Lille, Toulouse et Strasbourg, un prélèvement biologique effectué à jeun a permis de préciser le profil lipidique : cholestérol total, cholestérol HDL, cholestérol LDL, triglycérides. Le bilan préliminaire montre que la prise en charge des dyslipidémies n’est pas satisfaisante, avec des patients non traités ou traités de façon insuffisante
Trop peu de patients traités
Chez les patients à haut risque cardiovasculaire*, le décalage entre la théorie et la pratique est très clairement mis en perspective. Ces sujets, les plus exposés sur le plan cardiovasculaire, représentent 16,7% des patients de la population de Mona Lisa. Il s’agit pour 37% des patients avec des antécédents de maladies cardiovasculaires, pour 32%, des diabétiques de type 2 à haut risque, enfin pour 31% des sujets « multirisques », avec un risque de Framingham élevé. Tous doivent recevoir un traitement, selon les recommandations émises par les experts de l’Afssaps (mars 2005). Or, on constate que, malgré ces recommandations, seuls 47% de ces sujets reçoivent un traitement pour normaliser leur hypercholestérolémie.

Des résultats insuffisants
Au-delà de la trop faible proportion de patients à haut risque traités, le bilan de cette étude met en exergue un autre écueil : l’insuffisance des résultats thérapeutiques. En effet, 27,7% seulement des sujets à haut risque traités atteignent l’objectif défini par l’Afssaps, c’est à dire un LDL Cholestérol inférieur à 1g/l. Au total, si l’on tient compte des patients traités et non traités, toujours en se limitant aux personnes à haut risque, on constate, que moins d’une personne sur cinq atteint l’objectif fixé par l’Afssaps. Force est de constater que la prise en charge des dyslipidémies des patients à haut risque est loin d’être optimale. Moins de la moitié de ces patients reçoit un traitement, à l’encontre de ce que préconisent les recommandations de l’Afssaps. De surcroît, le LDL de ces sujets reste élevé et témoigne d’une prescription insuffisamment efficace.

« Mona Lisa met en lumière une certaine réticence à traiter les patients à haut risque et à adapter le traitement en fonction de l’atteinte des objectifs fixés par l’Afssaps » commente le Pr Ferrières.

Tabac : les femmes arrêtent de fumer plus tard qu’il y a dix ans
Par le Docteur Dominique Arveiler, Epidémiologiste, Université Louis Pasteur, Strasbourg
Concernant le tabagisme, les sujets des enquêtes Monica et Mona Lisa ont été classés en trois catégories : les fumeurs actuels ; les anciens fumeurs : non-fumeurs actuels mais qui ont été fumeurs autrefois et les non-fumeurs qui n’ont jamais fumé.

Chez les hommes dans Mona Lisa (35 à 74 ans)
Dans cette étude, 20% des hommes fument actuellement. Cependant, on note une diminution régulière du tabagisme avec l’âge. Ainsi, la proportion de fumeurs varie de 28% dans la tranche d’âge 35 à 44 ans à 11% dans la classe d’âge la plus élevée (65 à 74 ans). Globalement, les hommes de Lille fument plus que ceux de Toulouse et ceux de Strasbourg, avec des proportions estimées à 22%, 19% et 18% respectivement. De Monica à Mona Lisa, sur la tranche d’âge de 35 à 64 ans, on observe une diminution du tabagisme. Il y avait ainsi 30% de fumeurs dans Monica en 1995-1997 et l’on en compte 23% dans Mona Lisa. La diminution est de 7% en valeur absolue et ce de façon cohérente dans chaque tranche d’âge.

Chez les femmes dans Mona Lisa (35 à 74 ans)
La prévalence du tabagisme reste moindre chez les femmes que chez les hommes, à tous âges et dans les trois régions. Soulignons qu’en moyenne, 14% des femmes fument. Toutefois, l’analyse de la proportion de fumeuses, décennie par décennie, fait apparaître un phénomène nouveau : la prévalence du tabagisme reste parfaitement stable entre 35 et 54 ans et ceci est observé dans les trois centres. A ces âges, une femme sur cinq fume. Celles qui fument actuellement n’abandonnent pas le tabagisme vers la quarantaine comme elles le faisaient dix ans plus tôt, dans l’enquête Monica. En revanche, aux âges plus avancés, le tabagisme féminin décroît rapidement, avec une proportion évaluée à 9% entre 55 et 64 ans et 3% entre 65 et 74 ans. De Monica à Mona Lisa (35 à 64 ans), globalement, la proportion de fumeuses est restée stable de 1995 (16%) à 2005 (17%). Cependant, l’analyse par tranches d’âge montre une diminution de la proportion de fumeuses chez les femmes jeunes (35 à 44 ans) entre Monica (28%) et Mona Lisa (21%). A l’inverse, le tabagisme augmente chez les femmes de 45 à 54 ans, avec 14% de fumeuses dans l’enquête de 1995 et 20% dans Mona Lisa. Notons enfin, que les femmes de Toulouse (15%) et de Lille (14%) fument plus que celles de Strasbourg (11%).

Les anciens fumeurs
En moyenne, la proportion d’anciens fumeurs a augmenté de 6% en valeur absolue, chez les femmes comme chez les hommes, entre les deux études. On compte donc 23% d’anciennes fumeuses dans Mona Lisa alors qu’on en avait 17% dix ans auparavant. Parmi les hommes, ce sont 46% d’entre eux qui ont arrêté le tabac dans Mona Lisa contre 40% dans Monica. Bien sûr, l’abandon du tabagisme augmente au fur et à mesure que les années avancent.

Les non fumeurs...
Un homme sur trois et deux femmes sur trois n’ont jamais fumé et ces proportions restent stables entre les deux enquêtes.

Hyper Tension Artérielle : le contrôle des hypertendus traités s’est amélioré en une décennie, mais des progrès restent à faire
Par le Docteur Dominique Arveiler, Epidémiologiste, Université Louis Pasteur, Strasbourg
Les sujets ont été considérés comme hypertendus si leur pression artérielle systolique atteignait 140 mmHg et/ou si leur pression artérielle diastolique atteignait 90 mmHg et/ou s’ils prenaient un traitement antihypertenseur. Les mesures de pression artérielle ont été faites dans des conditions standardisées.

Dans Mona Lisa (35 à 74 ans), les hommes sont plus souvent hypertendus que les femmes. La prévalence globale de l’HTA est ainsi de 53% chez les hommes et de 40% chez les femmes. Cette différence entre les sexes s’observe à tous âges, mais l’écart se réduit au fil des ans. La prévalence augmente régulièrement avec l’âge (+ 15 à 20% par décennie). Dans Mona Lisa, la prévalence de l’HTA passe ainsi de 24% chez les hommes les plus jeunes (35-44 ans) à 80% dans la classe d’âge la plus élevée (65-74 ans). Chez les femmes, la proportion varie de 9% à 71 % des plus jeunes aux plus âgées. Et au fil des années, on observe également une augmentation des chiffres moyens de pression artérielle systolique et diastolique. Dans Mona Lisa, 57% des hommes et 67% des femmes connaissent leur hypertension et plus de 80% des sujets hypertendus sont traités (81% des hommes et 86% des femmes).

Actuellement, tous âges confondus, 23% des hommes et 36% des femmes sont contrôlés par le traitement, c’est-à-dire qu’ils atteignent les objectifs thérapeutiques fixés par les recommandations (140/90 mmHg). Dans les deux enquêtes, Strasbourg compte plus d’hommes hypertendus (60%) que Lille (53%) et Toulouse (46%). De même les femmes hypertendues sont bien plus nombreuses à Lille et à Strasbourg (45%) qu’à Toulouse (30%)

De Monica à Mona Lisa (35 à 64 ans) : la prévalence de l’HTA est en légère diminution
Dans Mona Lisa, on observe 45% d’hommes et 30% des femmes hypertendues. A l’époque de Monica, soit en 1995, les chiffres étaient un peu supérieurs, avec 48% d’hommes et 38% de femmes hypertendus. Cette diminution de la prévalence de l’HTA entre les deux enquêtes n’est cependant pas majeure, surtout chez les hommes. D’autre part, la proportion de sujets traités n’a que très peu changé de 1995 à 2005. En revanche, le contrôle de l’hypertension s’est amélioré, passant de 18% à 26% d’hommes contrôlés et de 30% à 44% de femmes actuellement contrôlées. Malgré cette amélioration, des progrès restent à faire. Aujourd’hui encore, deux femmes sur trois et trois hommes sur quatre traités pour hypertension artérielle n’atteignent pas les valeurs cibles de 140/90 mmHg.

Publié le 12/06/2008 à 17:05 | Lu 11498 fois