Loi sur l’adaptation de la société au vieillissement : en route pour la société des seniors ! Chronique de Serge Guérin

La « Loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement ». Notons l’évolution positive de la sémantique : on oublie le terme défaitiste et impropre de dépendance pour privilégier la dynamique de l’adaptation de la société… C’est un renversement d’optique !


Il ne s’agit pas de répondre à des problématiques catégorielles de la population seniors ou de faire face à, ce qui est bien sur nécessaire, à la souffrance ou au mal vivre, mais de poser un acte fondateur permettant de construire la société d’après. La nouvelle société des seniors ce n’est pas un monde inventé pour les vieux, mais une société des âges et de la diversité des modes de vie.
 
Rappelons d’abord qu’intervenir sur ce sujet, c’est s’adresser directement à 30% de la population. Et indirectement à 100% des habitants du pays : par les familles, par les aidants, par la question de l’emploi ou de la consommation, par le fait de l’engagement des retraités dans la vie collective, par le partage croissant de biens et de services entre les personnes et entre les générations...
 
Ce qui est en jeu, c’est de réussir une démarche de mutation, radicale, mais évolutive. Une politique d’adaptation de la société à l’allongement de la vie passe par une priorité donnée à la prévention et à l’ajustement de l’environnement aux personnes en fragilité et par une véritable politique de soutien aux aidants professionnels et bénévoles. Dans cette optique, le décideur change de regard sur les seniors qui ne sont plus vus comme des parias sociaux et des malades en puissance mais reconnus comme des acteurs du développement économique, culturel et social. Cette reconnaissance ne relève pas simplement de la symbolique mais implique une transformation progressive de la notion d’activité et d’un autre regard porté sur l’âge.
 
Quelque soit ses limites, en particulier budgétaires, il faut se réjouir de la dynamique portée par ce projet de Loi. Michèle Delaunay a su, dans une période peu propice sur le plan économique comme culturel, soutenir une volonté de transformation réelle de la situation des plus âgés mais aussi une approche de ces questions plus positive et plus allante. Le projet de Loi s’inscrit ainsi dans une logique de soutien aux personnes qui veulent vivre et avancer en âge à domicile. Cela implique un effort sur les logements et la prise en compte de la dimension territoriale. C’est essentiel.

Loi sur l’adaptation de la société au vieillissement : en route pour la société des seniors ! Chronique de Serge Guérin
De ce fait, la Loi Delaunay redonne aux Départements le rôle majeur de conduire les politiques d’adaptation au plus près des besoins des populations. Vieillir dans un village rural, n’est pas la même chose que de prendre de l’âge au cœur d’une métropole. L’Assemblée des Départements de France a bien saisi l’importance de cette perspective.

La volonté de favoriser l’adaptation des logements, de relancer la modernisation des Logements-Foyers (avec un fonds spécifique de 50 M€) et de soutenir les formules innovantes d’habitats regroupés, et d’accroitre les financements en faveur de la vie à domicile, n’est pas une mince affaire. Cela va structurer progressivement un autre rapport au vieillissement et favoriser l’activité sur les territoires et l’innovation sociale de proximité.
 
L’autre aspect particulièrement positif est de vouloir, enfin, prendre en compte le nécessaire soutien aux aidants bénévoles. L’APA à domicile pourra, par exemple, être mobilisée pour financer des moments de répit. Un droit minimal au répit –et plus largement au soutien des aidants- devrait progressivement être institué dans les faits. Certes, nous sommes très loin d’une reconnaissance et d’un soutien suffisant à ces acteurs majeurs d’une société du « care » (ndlr : comprendre du « prendre soin de ») mais les choses avancent. Il reste de nombreuses questions en suspens dont, en particulier, l’enjeu de la modernisation et le renouvellement du rôle des maisons de retraite médicalisées. Mais, la question centrale est bien celle du lien territorial et des manières d’exercer les sociabilités et les solidarités.
 
Serge Guérin
Professeur à l’ESG-Management School
Nouvel ouvrage : « La solidarité ça existe… et en plus ça rapporte ! », Michalon

Publié le 09/01/2014 à 08:42 | Lu 1590 fois