Les seniors et la mobilité (partie 2)

Le Laboratoire de la Mobilité inclusive -qui rassemble des grands acteurs publics et privés pour analyser les difficultés quotidiennes rencontrées par les publics les plus fragiles- a mené une étude autour de la mobilité des aînés et propose en parallèle, des solutions innovantes et adaptées à leurs besoins. Dans cette deuxième partie, cet organisme étudie l’impact des vulnérabilités qui impactent la mobilité des ainés. Détails.





Vulnérabilité financière et matérielle
Bien que les retraités bénéficient en moyenne d’un bon niveau de vie et de revenus croissants, de fortes inégalités subsistent. Environ 15% doivent faire face à des difficultés d’ordre financier et matériel : 15% des retraités ne sont pas propriétaires (Conseil d’Orientation des Retraites), 13% des personnes âgées isolées sont en difficulté financière (Enquête « Isolement et Vie relationnelle » 2006) et 14% disposent d’un revenu mensuel du ménage inférieur à 1.500 euros/mois (Enquête Laboratoire de la Mobilité inclusive 2014).
 
Après 75 ans, les retraités les plus riches effectuent 2,5 fois plus de déplacements motorisés que les plus pauvres. L’immobilité est également nettement plus importante chez les seniors les moins aisés, quel que soit l’âge.
 
Vulnérabilités géographiques et territoriales
Accessibilité : des marges de progrès à explorer
La présence d’une offre de transports collectifs et la proximité de commerces et services font de la ville un espace où la mobilité est a priori facilitée. Pourtant, des marges de progrès subsistent et se traduisent par des gênes perçues par les seniors dans l’espace public :
·  Insuffisance ou inadaptation du mobilier urbain : plus que la distance à parcourir, c’est le manque de points d’arrêts agréables, confortables et abrités qui pose problème (Negron-Poblete). Bancs, « assis-debout », toilettes publiques et arrêts de bus abrités ne sont pas assez nombreux.
 
« Ce qu’il manque dans la ville c’est les bancs, avant il y en avait plein, il y avait de la place, mais maintenant il n’y a plus de bancs. »
 
·  Difficulté de cheminement sur les trottoirs : inclinaison excessive, encombrement régulier, largeur insuffisante sont autant de barrières à la mobilité ; la chute sur les  trottoirs est la première crainte exprimée par les seniors (Ville de Paris).
 
« Je sors souvent avec une amie en fauteuil… les trottoirs sont trop encombrés. »
 
·  Accessibilité perfectible des transports publics : si de réels progrès ont été réalisés, il reste de nombreux points noirs : difficultés à monter dans le bus et à en descendre, présence de nombreux escaliers dans le métro, conduite brutale de certains conducteurs, manque de clarté de l’information…
 
« Pour prendre les transports en commun,  il faut avoir le pied marin. »
 
·  Complexification de l’espace urbain : les voies de bus, double-sens cyclables et autres trottoirs partagés compliquent la lecture de l’information, en particulier lors de la traversée d’une voie.
 
« Le partage du territoire devrait  être plus discipliné. »
 
Aménagement du territoire : une prise en compte insuffisante  des moins mobiles
En zones peu denses, le manque d’offre de transport et la distance aux commerces et services induisent une plus grande immobilité des seniors. La forte dépendance à la voiture dans le rural et le périurbain, où vivent les deux-tiers (65%) des seniors (CAS), entraîne une immobilité parfois brutale lorsque survient le moment de la déprise de la conduite automobile.
 
« Dans des petits villages comme les nôtres, si on n’a pas un véhicule à la maison, si on n’a pas un permis de conduire, il faut appeler quelqu’un et à ce moment-là on sort beaucoup moins. »
 
Déménager pour rester mobile ?
Peu de seniors ont un projet de déménagement : l’attachement au domicile mais aussi au jardin passe avant les préoccupations liées à la mobilité, à l’isolement voire à la perte d’autonomie. Cet attachement implique des renoncements (comme certains loisirs) et des arrangements (comme organiser sa mobilité avec des proches). Lorsqu’ils déménagent, les seniors de moins de 75 ans privilégient les communes rurales et petites unités urbaines. Après 75 ans, la préoccupation principale est de pouvoir accéder à un appartement ou un hébergement spécialisé, les moins favorisés étant contraints de conserver un logement inadapté.
 
Vulnérabilités sociales et familiales
Les seniors vivent de plus en plus seuls et à domicile : les femmes sont moins nombreuses que les hommes à vivre en couple : 68% contre 79% entre 60 et 64 ans et 28% contre 69% pour les plus de 75 ans (INSEE). Vivant plus longtemps, elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à résider en institution.
 
Les relations des seniors avec leurs proches se modifient avec l’avancée en âge, la cessation d’activité, l’arrivée des petits enfants et la perte d’autonomie (INSEE). Ainsi, 27% des 75 ans et plus sont en situation d’isolement relationnel (Fondation de France). Dans ce contexte, de nouveaux modes d’habitat voient timidement le jour : aménagement de pièces ou redécoupage pour accueillir un ascendant, micropropriétés mêlant seniors et familles d’accueil, habitat intergénérationnel, habitat partagé, habitat participatif, habitat modulaire, etc.
 
« Je pourrais louer une partie de l’appartement à une locataire, ce serait gratuit mais elle aurait à s’occuper de moi, elle pourrait aller faire mes courses. »
 
Vulnérabilités  physiologiques, cognitives  et psychologiques
Être autonome dans ses déplacements suppose de maîtriser des compétences variées qui mobilisent des ressources physiologiques (marcher…), cognitives (se projeter dans le temps et dans l’espace, lire un panneau…) et psychologiques (maîtriser ses émotions…). Le déplacement le plus simple, comme aller chercher son pain dans la rue, nécessite des habiletés spécifiques qui peuvent être impactées par le vieillissement.
 
Problèmes de santé et de handicap
Avec l’avancée en âge, la masse musculaire, la vision et l’ouïe se dégradent. Un phénomène encore plus marqué chez les personnes les plus modestes (DREES). Des exercices physiques, même à un âge très avancé, permettent pourtant d’améliorer l’état de santé. Le ministère de la santé recommande ainsi aux plus de 65 ans de s’adonner quotidiennement à des activités physiques.
 
« Il faut faire de la gym tous les jours  pour ne pas perdre de muscle. »
 
L’acuité et le champ visuels diminuent avec l’âge ; environ 20% des seniors stagiaires d’ateliers de prévention liés à la conduite découvrent à cette occasion que leur vue s’est nettement dégradée.
 
Freins cognitifs
Les capacités de la mémoire de travail (mémoire à court terme) diminuent au cours du vieillissement. La vitesse de traitement de l’information diminue également. Une évolution qui se traduit par une diminution des réflexes, le temps de réponse augmentant de 2 secondes environ avec l’âge. Néanmoins, les seniors ont un potentiel d’apprentissage latent qui peut être exploité, la plasticité cognitive persistant avec l’âge.
 
Freins psychologiques
Avoir envie de se déplacer et de sortir de chez soi est un pré-requis dans un déplacement. La fréquentation des espaces publics est aussi déterminée par le regard des autres et le sentiment d’insécurité, réel ou perçu.
 
« Quand vous étiez jeunes, vous faisiez attention aux vieux ? Moi non ! Je les comprends, on devient invisible. »
 
Les chutes constituent plus de 80% des accidents de la vie courante chez les seniors de plus de 65 ans. Chuter a des impacts sanitaires et financiers, mais aussi psychologiques, qui réduisent le sentiment d’autonomie et augmentent les risques de rechute.
 
Le « deuil » de l’objet voiture (Espinasse)
L’arrêt de la conduite est un premier marqueur de la perte d’autonomie. L’automobile a encore une valeur statutaire pour les seniors, voire identitaire pour les hommes, comme symbole de la masculinité et de l’autonomie.
 
« Quand on n’a plus la voiture on ne  se déplace plus pareil. Adieu la liberté ! »
 
Les NTIC : un défi pour les seniors
Malgré une forte progression des usages numériques chez les seniors, ils restent la tranche de population la moins impliquée par ceux-ci. En 2012, respectivement 24,4% et 23,4% des plus de 75 ans disposaient d’un micro-ordinateur et d’Internet à la maison (INSEE).
 
« On vient de m’offrir une tablette. Mais c’est compliqué quand même. J’aurais besoin qu’on m’explique  comment marche un smartphone, ça serait très utile. »

Article publié le 19/11/2015 à 01:00 | Lu 2396 fois