Les petits ruisseaux ou la vie amoureuse des seniors dans un film de Pascal Rabaté

L’auteur de bande-dessinée Pascal Rabaté vient de sortir son premier film : Les petits ruisseaux, un long-métrage issu de sa BD éponyme avec Daniel Prévost et Bulle Ogier qui aborde les amours seniors en milieu rural… « Je trouvais intéressant de faire le portrait d’un personnage qui n’attend plus rien, qui vit dans la répétition des gestes, des événements, pour qui aujourd’hui doit ressembler à hier et demain à aujourd’hui, puis qui se met à réapprendre l’instant, à aimer l’imprévu… Un homme qui se met à aimer le lendemain parce qu’il sera différent » souligne l’auteur-réalisateur. En salles depuis le 23 juin 2010.





Emile, septuagénaire et veuf, connaît une retraite sans heurts, faite de rituels et de loisirs paisibles.

L'instant n'existe pas vraiment, la vie coule comme la Loire où il pèche régulièrement avec un autre retraité, Edmond.

Mais un jour, Edmond, après lui avoir révélé qu'il avait une vie amoureuse et sexuelle cachée, meurt.

Emile, pour ne pas sombrer, tente de se secouer pour retrouver goût aux choses.

Lui viennent des envies oubliées d'adolescent, des envies d'étreintes, des envies d'aimer, mais aussi des envies d'en finir...
Les petits ruisseaux

Entretien avec Pascal Rabaté, réalisateur

Pourquoi avoir choisi d‘adapter votre propre bande dessinée pour votre premier film ?

Avec l’album, j’avais plus qu’un squelette d’histoire, et m’étant inspiré de lieux existants, j’avais envie de jouer avec une certaine réalité, de boucler la boucle : la vie avait inspiré le livre, le film me faisait retourner à la vie. L’adaptation me permettait de développer certaines scènes, de les travailler autrement, notamment toutes les scènes d’approche entre Lucie et Émile, ou les scènes de bal… Ça me permettait aussi d’inscrire les silences dans le récit, de jouer avec le temps, avec les sons. Et puis, quitte à être trahi, autant l’être par soi-même !

Quelle est pour vous la différence entre ces deux formes d’écriture (BD et Cinéma) ?

Le livre entretient un rapport intime avec le lecteur, un rapport plus cérébral, dans lequel le temps est plus abstrait. Le cinéma a un rapport plus émotionnel. Quand je fais de la bande dessinée, j’essaie de faire rentrer la vie dans mes livres, tandis qu’au cinéma elle est là, elle s’impose. La bande dessinée c’est formidable car on ne doit rien à personne : on fait son livre dans son coin, seul. Avec le cinéma, on doit tout à plein de gens, aux producteurs, aux acteurs, au décorateur, au chef operateur, aux monteurs son et images, aux ingénieurs du son... Le bonheur est dans le partage. C’est la même différence qu’entre préparer un repas pour deux ou organiser un banquet. J’aime les deux !

La vie amoureuse des seniors est très peu traitée au cinéma, pourquoi ce sujet ?

Quand j’ai commencé à penser à ce sujet, j’avais 45 ans. Vingt-cinq ans auparavant, je rentrais aux Beaux Arts, où je me disais que dans 25 ans, je serais peut être mûr pour la maison de retraite, ou que si je ne l’étais pas encore, des survivants des premiers punks, eux, le seraient. Je me suis demandé ce que ça donnerait… J’ai commencé à me renseigner sur les amours des seniors. J’ai appris qu’il s’en passait de belles dans les maisons de retraite, des amours cachées, des amours magnifiques, comme un dernier baroud. Ça m’a d’abord donné de l’espoir, puis j’ai commencé à broder. Je trouvais intéressant de faire le portrait d’un personnage qui n’attend plus rien, qui vit dans la répétition des gestes, des événements, pour qui aujourd’hui doit ressembler à hier et demain à aujourd’hui, puis qui se met à réapprendre l’instant, à aimer l’imprévu… Un homme qui se met à aimer le lendemain parce qu’il sera différent.

Le choix d’un milieu rural était important pour vous ?

Oui. Je suis issu de la province et de la campagne, j’ai été élevé dans ce milieu. J’avais envie de parler des villages que je connais, de la campagne « pavillon/formica », celle qui roule en voiture sans permis, pas celles des poutres apparentes, que je connais assez peu. C’était un besoin d’inscrire mon histoire dans un cadre que j’aime, avec la Loire tout près, une façon aussi de rendre hommage à mes parents qui vendaient des articles de pêche dans cette région.

Le ton du film oscille toujours habilement entre la comédie et l’émotion, quelles étaient vos souvenirs cinématographiques ?

J’aime beaucoup la comédie italienne, Scola, Risi, Rosi, Comencini, Fellini… Leur façon de peindre les travers des gens, de la société, sans mépris mais avec poésie. Une façon de sourire en montrant les dents. J’aime aussi Tati pour la finesse du détail, sa façon de montrer sans appuyer. Je pourrais également citer Yves Robert, Séria, et tant d’autres qui m’ont nourri…

Parlez-nous du choix et de la rencontre avec Daniel Prévost ?

Je suis allé voir son spectacle : « Federico, l’Espagne et moi » en étant déjà convaincu par son talent d’acteur. Pour moi, c’était déjà emballé, mais le spectacle m’a laissé les jambes en flanelle ! C’était dépouillé de tout artifice, tout en pudeur. L’émotion était derrière chaque mot, chaque geste... du cristal. Travailler avec Daniel a été simple, on avait le même langage, la même vision du personnage. Il a énormément apporté au personnage. C’est le personnage.

Et avec Bulle Ogier ?

Bulle Ogier irradie. Elle est fragile et douce, gracieuse, tout comme Hélène Vincent. Ce sont des actrices magnifiques, chez qui la beauté voisine avec la fragilité, avec lesquelles on est constamment sur le fil. Ce sont des funambules.


L’album Les petits ruisseaux, sorti en mai 2006, a été vendu à 45 000 exemplaires en France -troisième meilleure vente des éditions Gallimard-Futuropolis. Il a été plusieurs fois primé dans tous les pays francophones (Belgique : Prix International de la Ville de Bruxelles, Québec : Prix du meilleur album de la ville de Montréal, Suisse) et a notamment reçu en France le Prix des Critiques de Bande dessinée 2006 / Meilleur album de l’année, Prix des Libraires de Bande dessinée, Prix du magazine Le Point 2006. L’album est édité en Italie, en Hollande, en Espagne et en Croatie.

Les petits ruisseaux
Réalisé par Pascal Rabaté
Avec Daniel Prévost, Philippe Nahon, Bulle Ogier, etc.

Date de sortie cinéma : 23 juin 2010
Durée : 01h34min

Article publié le 29/06/2010 à 08:33 | Lu 1823 fois