Le cousin Jules : un long-métrage de toute beauté sur un couple de fermiers octogénaires

Le film de Dominique Benicheti, Le cousin Jules, tourné en… 1968, ressort sur les écrans le 15 avril prochain. Profitons de cette réédition pour revenir sur ce long-métrage, de nombreuses fois récompensés, qui narre la vie d’un couple d’octogénaires dans la campagne bourguignonne. Jules est forgeron et sa femme, Félicie, s’occupe du potager. La simplicité de leur routine quotidienne nous immisce dans l’intimité d’une relation de toute une vie…





Le Cousin Jules est une oeuvre cinématographique tournée en Cinémascope et enregistrée en stéréo, véritable prouesse technique pour l’époque. C’est en 1968 que le cinéaste alors âgé de vingt-cinq ans commence la réalisation de ce long-métrage sur le quotidien d’un couple de fermiers français, Félicie et Jules –un cousin éloigné de Benicheti.
 
Ce dernier va travailler durant cinq ans sur ce film, captant avec grâce la vie de ces héros de tous les jours, qui ne sont pas sans rappeler les personnages peuplant la trilogie de Raymond Depardon, Profils paysans. Durant le tournage, Benicheti adopte une technique bien particulière, chaque image de son film ayant été photographiée au préalable. Ces photographies lui servent ainsi d’études pour l’élaboration de ses plans, dans le format caractéristique du Cinémascope.

Le cousin Jules vu par Pierre-William Glenn (assistant du réalisateur)

« Revoir ce film récemment m’a bouleversé : "La durée en train de se faire", disait Henri Agel. Contemplatif et lent, le regard amoureux et maniaque d’un réalisateur précis dont l’attention aux gestes, aux mains, aux objets ménagers, aux outils, au tour, à l’étau, à la matière d’un tablier de cuir, aux variations de la lumière du matin est incomparable.
 
J’ai souvent le souvenir d’un film pour un plan, pour une séquence. Dans Le Cousin Jules, c’est tout le film qui vit en moi et j’éprouve les mêmes sentiments qu’en 1967. Comme s’ils étaient immortels… Robert Flaherty semble être derrière tous les plans et ce documentaire fiction me semble beaucoup plus moderne que l’essentiel du cinéma contemporain. Je n’ai jamais vu un chat filmé de cette manière ; j’ai rarement eu cette proximité ni cette complicité avec des acteurs et la matière authentique que possède tout le film est celle de la beauté du regard du cinéaste sur un monde qui – finalement et grâce au cinématographe – n’est pas disparu.
 

C’est finalement au cinéma japonais d’Ozu que j’aime rapprocher ce film. Et tant pis pour ceux qui ne veulent que des films d’action qui ne bougent pas : dans Le Cousin Jules, tout bouge tout le temps, un temps lent qui révèle la pénibilité de la marche d’un cheval qui tire une lourde charrette, la précision du travail à la forge et l’incomparable dignité de ce que fait la main de l’homme. »
 
Propos recueillis lors de la projection du Cousin Jules au festival Toute la Mémoire du Monde à la Cinémathèque française en décembre 2013.

Depuis 1973, Le Cousin Jules a été accueilli avec succès dans les festivals (de Locarno à la Berlinale en passant par le New York Film Festival), mais n’a jamais été commercialement distribué jusqu’à la sortie américaine de sa version restaurée en 2013. L’une des principales raisons à cette absence dans les salles est que, au début des années 1970, de nombreux cinémas d’art et essai n’étaient pas encore équipés pour projeter le film dans son format d’origine en son stéréo. C’est en 2011 que débute le travail de restauration du négatif original, aboutissant enfin à sa découverte dans les salles, désormais équipées du matériel nécessaire pour projeter l’oeuvre dans des conditions adéquates, telles que souhaitées par le réalisateur.

Article publié le 19/02/2015 à 02:00 | Lu 1077 fois