La société de l’intergénération est un projet politique ! Chronique de Serge Guérin

Les temps actuels sont largement fondés sur l’exacerbation des différences, sur l’opposition des intérêts, sur la culture de la compétition… Dans ce contexte, la tentation du repli communautaire se renforce. Chaque jour. De nombreux candidats accrochent ce discours pour rechercher des électeurs. Le discours d’opposition des générations surfe sur cette exacerbation de la défiance. C’est dans ce climat que d’aucun, parlent -voire fantasment-, sur une guerre des générations : la ville serait bientôt à feu et à sang…





Les usines, les ateliers, les bureaux ne seraient que des champs de bataille rangée entre les jeunes et les seniors…

Or, ce que nous voyons, ce n’est pas une guerre des générations mais bien des faits sociaux, des faits minuscules qui pollenisent d’un suc solidaire, le quotidien de millions de personnes.

Pensons à l’association « Lire Faire Lire » qui anime un réseau de 15.000 retraités investis pour soutenir les enfants dans l’accès et le plaisir de la lecture. Pensons aux « Blouses Roses » où 5. 000 étudiants comme retraités, interviennent dans les hôpitaux ou les maisons de retraite pour rendre la vie plus gaie aux personnes en résidence.

Pensons aux bénévoles des petits frères des Pauvres qui accompagnent les personnes âgées isolés et vivant dans la précarité… Pensons aux quatre millions d’aidants informels, dont l’âge moyen est de 64 ans, qui fournissent un appui essentiel aux personnes fragilisées par les maladies chroniques ou la perte d’autonomie dû à l’âge.

Pensons au développement des jardins partagés qui permettent à toute les générations de coopérer pour faire naître des espaces de convivialité et d’échange de savoirs et de permettre, en particulier aux personnes ayant des faibles revenus, un accès à une alimentation plus seine et aux circuits courts.

Il est urgent que l’Etat et les collectivités territoriales soutiennent des actions symboliques comme des cafés de l’intergénération ou valorisent des démarches de solidarité entre générations. Surtout, il est temps d’inventer des politiques publiques spécifiques comme l’instauration d’un tarif intergénérationnel pour un senior et un moins de 18 ans, permettant des réductions de prix à l’entrée de lieux culturels et de loisirs ou encore le soutien aux formules d’habitat partagé et intergénérationnel, la création d’un Fonds d’initiatives intergénérationnelles destiné à soutenir les innovations sociales ou technologiques favorisant la coopération entre les générations.

De son côté, pourquoi l’Education Nationale n’enclencherait-elle pas un processus pour que les enseignants du primaire et du secondaire puissent développer avec les enfants des projets pédagogiques centrés sur la rencontre des âges, sur la découverte de l’autre et de son histoire, sur la prise de conscience de la diversité du vieillissement ?

Une des réponses à la crise de l’emploi des seniors se trouve dans la possibilité pour ces derniers de s’investir dans leurs deux dernières années de carrière dans le soutien à une association. Une partie de leur salaire serait payé par leur entreprise, une autre part et leurs charges sociales prises en compte par l’Etat, voire les collectivités territoriales. En contrepartie, ces seniors s’engageraient à rester bénévoles durant les trois premières années de leur retraite. Ils vivraient ainsi un tuilage progressif vers la retraite et seraient des acteurs de la transmission intergénérationnelle.

C’est le secteur associatif, et globalement, le monde de l’économie sociale et solidaire qui, pour une large part, assurent aujourd’hui le lien social et les solidarités de proximité. Avec efficacité et pour un engagement budgétaire le plus souvent optimal. Il est logique qu’il soit soutenu plus fortement par la puissance publique et par les collectivités territoriales.

Il y a aussi nécessité à ce que les aidant(e)s bénévoles, de tout âge, soient reconnu(e)s pour leur rôle crucial dans l’accompagnement des plus fragiles et dans la politique de santé publique de la nation. Mais il s’agit surtout d’élaborer un statut de l’aidant ouvrant à des temps de formation, des aides financières ou du développement de structures et de moyens humains, leur permettant de mener une vie plus normale.

Dans cette période de changement, il est plus que jamais nécessaire de pointer combien une politique de l’intergénération est un enjeu central pour inventer une société de l’écologie sociale fondée sur la coopération. La révolution démographique, implique d’inventer une société l’intergénération qui permette aux jeunes, aux moins jeunes et aux vieux de vivre durablement bien ensemble.

Dommage qu’à l’occasion de la nomination du nouveau gouvernement, l’intitulé du ministère des Affaires sociales n’ait pas inclus l’intergénération.

Serge Guérin, sociologue, professeur à l’ESG-Management school, dernier ouvrage paru « La nouvelle société des seniors »

Article publié le 28/05/2012 à 06:00 | Lu 1967 fois