La Fiancée juive de Jean Rouaud : enflure et à mesure





En somme, il n‘y a pas de quoi s’intéresser à Cambon (Loire inférieure) qui porte, selon l’auteur, « l’étiquette de commune rurale qui constitue la dernière sortie avant l’arriération ».

Parce qu’elle nourrit sans relâche l’imaginaire du romancier la petite ville devient elle plus passionnante ? On en vient à douter.

Kiosquier rue de Flandres à Paris, orphelin de son père mort à Noël qu’il exhume et ré-enterre à chaque livre, fils d’une mère commerçante en nouveautés (on sait ce que ce terme suggère de vieilleries), échotier dans un journal régional, greffier de la mythologie familiale, on sait tout de lui depuis qu’on suit ses confidences autobiographiques, ce qui est une façon de mettre de la vie parmi ses morts.

Il feuillette devant nous l’album des années 60. En une énième circonvolution, « une propension lyrique à tourner autour du pot » reconnaît l’auteur, il nous livre sa mémoire fiévreuse et distanciée. Sans nostalgie. Mélancolique, peut-être.
La Fiancée juive de Jean Rouaud : enflure et à mesure

Aucun intérêt donc, si ce n’est une prégnante petite musique propre à cet auteur qui est un écrivain.

De cette banalité, livre après livre (ils sont nombreux), Rouaud construit une œuvre de premier plan, où il rend sous une apparente simplicité des choses, toute la complexité et l’ambiguïté de son monde, qui n’est pas éloigné du notre.

Débarrassé donc de toute notion d’intérêt, il reste la virtuosité de l’écrivain à l’écriture magistrale, faîte d’amples digressions et de raccourcis fulgurants, serrant son histoire de près.

Un nouvel exemple nous est donné dans ce dernier ouvrage qui recueille neuf nouveaux récits. Lequel nous a le plus enthousiasmé ? Difficile de répondre. Celui qui raconte la mort de Mozart, affublé en Davy Croquet, vue dans un téléfilm est proprement hilarant. Il faut lire ce monument d’autodérision intitulé « Régional et drôle » où le romancier raconte ses premiers pas en littérature. Le sarcasme enjolive le récit du marchand de journaux qu’il fut.

Un autre Jean Rouaud se dévoile dans le texte éponyme. Il prolonge son livre par sa voix et sa musique dans un CD glissé sous la couverture. Etonnant. Un bonheur, quoi.

La fiancée juive
Jean Rouaud
Editions Gallimard
130 pages
18.50 euros

Article publié le 04/08/2008 à 10:22 | Lu 11341 fois