L'arthrose : le point avec l’Inserm sur une maladie à part entière

L'arthrose, longtemps considérée comme une fatalité liée au vieillissement, ne bénéficie que de traitements symptomatiques destinés à soulager la douleur. Mais il s'agit en réalité d'une maladie articulaire à part entière, avec plusieurs facteurs de risques bien identifiés conduisant à la destruction du cartilage. La recherche sur les mécanismes en cause est très active ; elle devrait permettre de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques dans les années qui viennent pour développer des médicaments spécifiques contre l'arthrose.





La dégradation du cartilage et de l'articulation

L'arthrose est la maladie articulaire la plus répandue. Elle se caractérise par la destruction du cartilage qui s'étend à toutes les structures de l'articulation, notamment l'os et le tissu synovial.

Le cartilage, qui tapisse les extrémités osseuses d'une articulation et leur permet de glisser l'une sur l'autre, perd en épaisseur, se fissure et finit par disparaître, entraînant des douleurs et un handicap majeur avec une perte de mobilité.

Actuellement, les mécanismes de cette dégradation sont mal connus et font l'objet d'une recherche active.

Plusieurs facteurs de risque identifiés

La destruction du cartilage est un véritable processus pathologique lié à l'âge, un dysfonctionnement métabolique, un excès de pression, à certaines maladies de l'articulation ou encore à la fragilité naturelle du cartilage. L'hérédité est un facteur de risque possible, notamment pour l'arthrose des mains.

Les contraintes mécaniques comme la surcharge pondérale, le port fréquent de charges lourdes, une activité physique trop intense contribuent à abîmer le cartilage. Certaines anomalies anatomiques ou séquelles de traumatisme y participent également. D'autres maladies touchant l'articulation comme la chondrocalcinose, l'ostéonécrose ou la polyarthrite rhumatoïde, peuvent également favoriser son apparition. Enfin, des désordres métaboliques générés par une obésité semblent également être en cause. Les personnes obèses présentent par exemple deux fois plus de risque de développer une arthrose des main.

L'arthrose très fréquente après 65 ans

Seulement 3 % de la population de moins de 45 ans est touché par l'arthrose, 65 % après 65 ans et 80 % au-delà de 80 ans.

La fréquence de la maladie varie en fonction de la localisation :

- L'arthrose de la colonne vertébrale est la plus fréquente dans la tranche d'âge 65-75 ans (70 à 75 % des personnes) mais reste le plus souvent silencieuse.
- L'arthrose des doigts est la deuxième localisation la plus fréquente (60 %) et se traduit par des déformations irréversibles.
- Les arthroses du genou et de la hanche concernent respectivement 30 % et 10 % des personnes de 65 à 75 ans. Elles sont plus invalidantes car touchent de grosses articulations qui portent le poids du corps.
Toutes les autres articulations peuvent être concernées mais l'épaule, le coude, le poignet, la cheville sont plus rarement atteints.

Une évolution imprévisible

Les lésions du cartilage ne régressent pas au cours du temps et leur évolution n'est pas linéaire. Elle peut être très rapide et rendre nécessaire la pose d'une prothèse, par exemple de la hanche, en moins de 5 ans. L'arthrose peut également évoluer lentement, sur plusieurs années, sans induire de handicap majeur.

Deux phases se succèdent à un rythme imprévisible : une phase chronique, au cours de laquelle la gêne quotidienne est variable et la douleur modérée, entrecoupée de crises douloureuses aiguës accompagnées d'une inflammation de l'articulation. La douleur est alors vive, survenant dès le matin et parfois la nuit. Durant la phase chronique il est recommandé de conserver une activité physique régulière mais de mettre l'articulation au repos lors des crises douloureuses. C'est en effet au cours de cette phase qu'intervient la destruction du cartilage.

Des traitements uniquement symptomatiques

Il n'existe que des traitements symptomatiques pour soulager la douleur. Aucune thérapeutique anti-arthrosique capable de protéger le cartilage n'est actuellement disponible. Les traitements médicamenteux doivent toujours être associés à des mesures non médicamenteuses.

Les antalgiques aident à lutter contre la douleur. Le chef de file est le paracétamol mais d'autres molécules sont disponibles et adaptées à différents paliers de douleur.

En cas de poussée inflammatoire, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) par voie orale ou sous forme de gel ou pommade sont utiles. Pour passer un cap, le médecin peut recourir à une infiltration de corticoïdes consistant à injecter ces anti-inflammatoires puissants directement dans l'articulation. On limite le nombre d'injections en général à trois par an pour une même articulation.

Certains traitements, dits à longue durée d'action, peuvent soulager plus lentement mais plus durablement les patients en cas de douleur persistante. Leur effet pourrait se maintenir près de 6 mois mais reste néanmoins le plus souvent modeste. Il s'agit par exemple de la chondroïtine sulfate, la glucosamine sulfate, les insaponifiables d'avocat et de soja ou encore la diacerhéine.

D'autres solutions visent une antalgie de 6 mois. L'injection d'acide hyaluronique, encore appelée visco-supplémentation, consiste à injecter un produit visqueux de composition proche du liquide synovial physiologique. Le lavage articulaire s'applique à l'articulation du genou et permet de la débarrasser des débris cartilagineux à l'aide de sérum physiologique sous anesthésie locale. L'efficacité de ces techniques est toute relative et controversée dans la littérature scientifique.

Les mesures à prendre sont indispensables pour limiter la progression de la maladie et doivent être personnalisées en fonction des pathologies associées et de la localisation de l'arthrose.

Il est recommandé de :

- perdre du poids en cas d'excès,
- pratiquer une activité physique régulière et d'intensité modérée en dehors des poussées inflammatoires, par exemple de la marche à raison de 3 fois une heure par semaine,
- éviter de porter des charges lourdes,
- adapter son environnement à son état de santé, par exemple s'aider de rampes dans la baignoire ou mettre les ustensiles à portée de mains dans la cuisine,
- se munir d'une canne lors des poussées,
- porter des semelles orthopédiques en cas d'arthrose du genou (gonarthrose), etc.

Place de la prothèse

La prothèse, articulation artificielle qui remplace l'articulation malade, nécessite une intervention chirurgicale, l'arthroplastie. Elle est indiquée pour la hanche ou le genou en cas de handicap sévère. Si elle permet le plus souvent d'améliorer nettement la qualité de vie, son efficacité est néanmoins limitée à une quinzaine d'années en moyenne.

Vers des traitements ciblés anti-arthrosiques

Identifier les mécanismes de l'arthrose
L'arthrose a longtemps été présentée comme une « usure » du cartilage alors qu'il s'agit bien d'un syndrome destructeur et inflammatoire, associé à différents facteurs de risque. Les scientifiques ne parlent plus d'arthrose en général mais « des arthroses » en fonction du profil du patient : arthrose liée à l'âge, arthrose liée à une obésité, arthrose liée à une maladie de l'articulation, etc. Ces situations entraînent des mécanismes pathologiques distincts faisant intervenir différents signaux moléculaires entre les tissus de l'articulation : l'os, le cartilage et le tissu synovial. La compréhension de ces mécanismes permettra au cours des prochaines années de disposer, d'une part, de biomarqueurs prédictifs de l'évolution de la maladie au moment du diagnostic et, d'autre part, de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques. L'objectif est d'individualiser la prise en charge et les traitements en fonction de ces profils.

Lutter contre l'inflammation et stimuler la production de cartilage ou d'os
En attendant d'obtenir de nouvelles cibles thérapeutiques, plusieurs molécules anti-inflammatoires sont en cours d'évaluation. Une inflammation locale semble effectivement impliquée dans la dégradation du cartilage. A ce titre, les facteurs d'inflammation comme les cytokines (interleukine 1 ou encore TNF-alpha), présents localement, sont des cibles thérapeutiques potentielles. Des essais ont eu lieu pour tester des anticorps monoclonaux dirigés contre ces facteurs. Les résultats concernant l'interleukine 1 sont assez décevants et ceux contre le TNF-alpha, avec notamment l'adalimumab pour l'arthose du genou et de la main, sont en cours.

D'autres molécules sont destinées à stimuler la production de cartilage, ainsi un facteur de croissance qui active la fabrication de la matrice cartilagineuse par les chondrocytes ou encore la lubricine qui semble présenter la même activité. Il s'agit de molécules recombinantes injectées en intra- articulaire. Des essais sont en cours chez l'homme avec pour objectif d'obtenir des résultats structuraux c'est-à-dire la restauration ou la stabilisation du cartilage.

Des molécules ayant un effet ciblé sur l'os sont également testées dans l'arthrose, comme l'acide zoledronique ou encore le ranelate de strontium, déjà commercialisés pour traiter l'ostéoporose caractérisée par une fragilité osseuse, et en cours d'évaluation chez l'homme dans l'arthrose du genou.

Remplacer le cartilage altéré
L'autre objectif des chercheurs est de réparer les lésions cartilagineuses, voire de remplacer le cartilage grâce à des greffes de cellules injectées directement dans l'articulation. Des essais sont en cours avec des chondrocytes associés à un biomatériau pour fabriquer un cartilage semi-artificiel ou des cellules souches.

Dans le premier cas, il s'agit de concevoir un échafaudage dans un matériau compatible avec l'organisme, autour duquel les chondrocytes greffés peuvent se multiplier et produire une nouvelle matrice cartilagineuse. Les premiers résultats chez l'animal montrent des résultats encourageants surtout après traumatisme d'un cartilage sain. Malheureusement, dès lors que l'environnement est très enflammé avec une coopération de l'os et du tissu synovial dans la maladie, la prise de greffe est plus difficile.

D'autres équipes travaillent sur les cellules souches adipocytaires. Ces cellules indifférenciées prélevées dans les tissus graisseux peuvent devenir des chondrocytes sous l'influence de l'environnement articulaire et grâce à différents facteurs de croissance. Le projet européen ADIPOA, coordonné par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, teste cette voie de recherche pour traiter les patients atteints d'arthrose débutante. Les premiers résultats sont encourageants mais ils montrent que l'effet bénéfique sur le cartilage serait davantage lié à la forte activité anti-inflammatoire des cellules souches qu'à leur capacité à se différencier en chondrocytes.

Plusieurs années sont donc encore nécessaires pour valider et confirmer l'intérêt d'une ou plusieurs de ces stratégies thérapeutiques chez l'homme.

Article publié le 20/04/2012 à 09:00 | Lu 4328 fois