Héritage : exportation d'un bien culturel... Que faire si l'Etat s'y oppose ?

L’un de vos enfants, petits-enfants, neveux… est passionné par l’art et vous souhaitez lui transmettre une œuvre que vous avez acquise il y a quelques années, par donation ou par testament. Vous êtes-vous renseigné au préalable sur la valeur de l’œuvre aujourd’hui ? Sa cote a pu augmenter ou les historiens de l’art ont pu découvrir, depuis votre acquisition, qu’elle était l’un des chefs d’œuvre de l’artiste. Dès lors l’État pourrait être intéressé pour l’acquérir afin d’enrichir les collections publiques et s’opposer à la sortie du territoire de ce trésor national.





Quelles sont les œuvres soumises à l’obtention d’un certificat de l’État pour leur exportation ?
L’article L111-1 du Code du patrimoine définit les trésors nationaux comme étant notamment :
- Les biens appartenant aux collections des musées de France ;
- Les autres biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie.
 
L’article L111-4 du Code du patrimoine précise que dès lors qu’une œuvre présente un caractère de trésor national, un certificat d’exportation est obligatoire. Cependant ce refus de délivrer le certificat ne peut avoir lieu qu’après avis motivé d’une commission.
 
Cette commission est composée de représentants de l’État et de personnalités qualifiées. Elle est présidée par un membre du Conseil d’État. Ce refus de délivrance du certificat empêche le propriétaire de l’œuvre de sortir du territoire français.
 
Comment savoir si l’œuvre présente un caractère de trésor national ?
L’article L111-1 du Code du patrimoine donne une liste des œuvres considérées comme des trésors nationaux, mais l’État français en a une conception très large.
 
Comment un particulier peut-il savoir qu’il détient une œuvre présentant le caractère de trésor national ?
Plusieurs indices peuvent être déterminants : la valeur de l’œuvre, sa renommée dans le marché de l’art, son ancienneté, la notoriété de l’artiste. En cas de doute, il est conseillé de faire expertiser votre œuvre afin d’obtenir toutes ces informations. Les sanctions sont sévères en cas de sortie du territoire, même temporaire, d’une œuvre présentant un caractère de trésor national. En vertu de l’article L114-1 du Code du patrimoine, si l’œuvre était exportée ou tentée d’être exportée, même temporairement, son propriétaire encourrait jusqu’à deux ans de prison et 450 000 euros.
 
En cas de changement de propriétaire de l’œuvre considérée comme un trésor national, l’État doit-il en être informé ?
La réponse est oui. Ainsi si vous acquérez une œuvre de ce genre suite à une vente ou en tant qu’héritier ou légataire suite à une succession, vous devez en tant que nouveau propriétaire en aviser l’État, dans les trois mois suivants la date constatant la mutation, le partage ou la déclaration de succession (article L121-2 du Code du patrimoine).
 
Peut-on reformuler une demande d’obtention de certificat après avoir essuyé un premier refus ?
L’article L111-6 du Code du patrimoine prévoit qu’est irrecevable toute nouvelle demande concernant le même bien, pendant une durée de trente mois à compter de la date du refus de délivrance du certificat. Passé ce délai, le propriétaire de l’œuvre est autorisé à reformuler sa demande. Deux situations peuvent se présenter.
 
Tout d’abord, l’État a la possibilité pendant ce délai de trente mois de formuler une proposition d’achat de l’œuvre, afin de compléter ses collections publiques (article L121-1 du Code du patrimoine). Le propriétaire n’est pas tenu d’accepter cette offre. Il dispose d’un délai de trois mois pour faire parvenir sa réponse, étant précisé que le silence vaut refus.
 
En cas de refus de vendre, l’État désigne un expert afin d’évaluer l’œuvre. Le propriétaire peut désigner de son côté aussi un expert. Ils ont alors trois mois pour rendre leur rapport. En cas de désaccord sur le prix, un troisième expert sera désigné, soit conjointement par l’Etat et le propriétaire, soit par le président du Tribunal de grande instance.
 
Une fois la valeur de l’œuvre fixée, l’État a deux mois pour formuler une proposition d’achat à la valeur de l’expertise. À défaut de proposition d’achat pendant ces deux mois ou au cours du délai de trente mois, le certificat d’exportation ne peut plus être refusé. 
 
Cependant si le propriétaire de l’œuvre refuse l’offre d’achat, il conserve l’œuvre, mais il ne pourra en aucun cas la faire sortir du territoire. Si le propriétaire accepte l’offre d’achat, l’Etat devra régler la somme dans les six mois suivant son accord.
 
Il ne peut être que recommandé de consulter en amont un professionnel du droit afin d’établir la stratégie de transmission de votre patrimoine la plus optimale. D’autres pistes peuvent être évoquées telles que la dation en paiement ou la donation d’œuvres d’art conditionnées par l’obtention d’un agrément. 

Amélie Jourdan, Juriste
Avocats Picovschi      

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Article publié le 26/02/2016 à 01:00 | Lu 4621 fois