Dépistage du cancer du sein : les perspectives d’avenir

Alors que la dixième édition d’Octobre Rose - le mois dédié à la lutte contre le cancer du sein - démarre demain, Frédéric De Bels, responsable du département Dépistages à l’Institut national du cancer, revient en deux questions sur les perspectives d’avenir concernant le dépistage de cette maladie qui tue chaque année en France près de 12.000 femmes.





Dépistage du cancer du sein : les perspectives d’avenir

Concernant le dépistage organisé, quelles sont les principales évolutions à venir ?

Dix ans se sont écoulés depuis la généralisation du programme, et l’on voit trois grands champs de réflexion et d’évolutions à ouvrir : les progrès technologiques, la volonté de continuer de mieux répondre aux attentes d’information des femmes et la nécessité de réduire les inégalités d’accès au dépistage.
 
Ces évolutions devront aussi répondre aux nouveaux enjeux du Plan cancer 2014-2019 visant à intégrer les personnes à risque « aggravé » dans le programme national. Nous avons déjà connu des avancées technologiques puisqu’en 2008 le numérique avait été introduit dans le programme national de dépistage organisé.
 
Depuis, le numérique lui-même a évolué : il semble désormais qu’une nouvelle technologie, la tomosynthèse, soit très prometteuse. Elle permet une vision en 3D du sein et apporte, selon les experts, à la fois un meilleur confort de lecture, une meilleure précision pour la caractérisation des anomalies et une réduction des risques de mauvaise interprétation liée par exemple, en 2D, à la superposition d’images. Les premières études réalisées dans le cadre du dépistage semblent globalement en faveur d’une performance supérieure de la tomosynthèse. Ces résultats restent à confirmer et les modalités de son utilisation optimale et sécurisée pour le dépistage doivent encore être précisées.
 
En termes d’information, l’enjeu est double : il s’agit tout d’abord de sortir d’un débat technique d’experts sur les bénéfices et limites du dépistage organisé, pour redonner la parole aux femmes et entendre les questions qu’elles se posent. Les enquêtes ont montré que ces questions sont différentes de celles des experts et liées à de l’anxiété ou à des questions pratiques : Comment se passe le dépistage ? Est-ce gratuit ? Est-ce que ça fait mal ? Puis-je choisir mon radiologue ? L’autre enjeu est celui de leur liberté dans le choix de faire ou non ce dépistage.
 
Même s’il est démontré que ce dépistage sauve des vies et que la participation est essentielle, on se doit de mettre à disposition une information de qualité et indépendante pour que les femmes concernées puissent prendre une décision éclairée. Le rôle essentiel du médecin traitant dans la délivrance de cette information ira croissant. Enfin, l’objectif de réduction des inégalités est primordial. Il constitue même une plus-value majeure que pourrait apporter le programme de dépistage organisé relativement à un dépistage « individuel ». Il s’agit surtout désormais de soutenir des approches de proximité complémentaires, ayant démontré leur efficacité et plus « équitables » pour faciliter l’entrée de l’ensemble des femmes dans le dispositif, sans en laisser à l’écart.
 
Le nouveau Plan cancer cite par exemple le développement d’équipes mobiles et la mise en oeuvre d’actions spécifiques envers les femmes en situation de vulnérabilité ou ayant des difficultés d’accès ; on pense en particulier aux personnes en situation de précarité, mais pas seulement : sont aussi concernées les femmes souffrant d’un handicap, les personnes vivant en institution ou en lieu de privation de liberté, les personnes isolées géographiquement ou encore celles devant faire face à des difficultés socioculturelles ou linguistiques. Le recensement de ces approches et leur évaluation sont en cours. Elles sont essentielles pour la santé publique. Ces différents éléments nécessitent de travailler à l’évolution du programme national de dépistage et à une meilleure prise en compte des attentes et des besoins des femmes concernées et des professionnels impliqués dans cette démarche.
 
C’est pourquoi la Ministre de la Santé a demandé à l’INCa d’organiser une concertation citoyenne en 2015 : son objectif sera de parvenir à une évaluation partagée des principales données du dépistage et des dernières avancées technologiques, de redéfinir les objectifs de santé fixés à cette politique publique, de faire du dépistage organisé un objet de démocratie sanitaire. Ce débat associera des femmes concernées par le dépistage du cancer du sein, des représentants associatifs et de la société  civile, des experts et chercheurs en sciences humaines et sociales, des professionnels de santé et des experts en santé publique français et internationaux.
 
Pourquoi s’engager dans le suivi des femmes à risque élevé et comment ce suivi va-t-il s’organiser ?

Avec cette action, l’objectif du Plan cancer 2014-2019 est de réduire les pertes de chance et de faire en sorte que la politique de prévention considère les personnes de manière égale, sans exclusion et leur fournisse, quel que soit leur niveau de risque, une réponse de dépistage ou de suivi adaptée.
 
Cette action s’inscrit dans la continuité du précédent Plan cancer et est également cohérente avec la position de l’Organisation mondiale de la santé qui considère que « lorsque l’on planifie la couverture des programmes de dépistage, il faut prendre des mesures pour s’assurer que tous les sujets à haut risque en bénéficient ». Il est en effet paradoxal, que les programmes de dépistage, activité dont le but est de trier « entre les personnes apparemment en bonne santé mais probablement atteintes d’une maladie donnée et celles qui en sont exemptes », laissent de côté les personnes les plus à risque de développer un cancer et que cela génère des pertes de chance.
 
Le médecin traitant est la pierre angulaire de cette mesure. Actuellement, la prise en charge des personnes à haut risque se révèle hétérogène et leur parcours de soins n’est pas optimal. Le nouveau Plan cancer souhaite corriger cette carence et prévoit donc que les médecins puissent bénéficier de l’appui logistique des structures de gestion des programmes de dépistage. De nouvelles recommandations sont en cours de préparation pour les femmes ayant une prédisposition génétique et donc à risque très élevé, d’autres viennent d’être publiées par la Haute Autorité de santé pour les personnes à risque élevé, par exemple du fait d’un antécédent personnel de cancer in situ ou d’hyperplasie atypique.

Article publié le 30/09/2014 à 03:30 | Lu 7123 fois