Cigarette électronique... Alors pour ou contre le vapotage ?

10 millions de personnes, soit près d’un Français sur cinq, ont déjà essayé l’e-cigarette et 1,5 millions de fumeurs l’utilisent régulièrement. Conçue au départ pour permettre le sevrage tabagique, la cigarette électronique n’est-elle pas avec le temps devenue une véritable alternative au tabac ? Remplit-elle toujours sa mission, quels sont les limites de l’exercice et les risques possibles ?





Vapoter, oui, mais en connaissance de cause

Selon le Pr Dautzenberg, « un jour de cigarette, c’est un an de cigarette électronique ». Si vapoter est infiniment moins dangereux que fumer, ce produit est avant tout conçu seulement et avant tout pour les fumeurs, avec un objectif, celui de les faire renoncer au tabac. Une démarche à priori entendue, si l’on en croit des résultats d’enquête qui confirme que 50% des vapoteurs le font pour arrêter de fumer, 15 à 20% pour diminuer leur consommation de tabac. Pour le Pr Thierry Urban, le vapotage a toutefois ses limites : prendre de la nicotine conduit à prendre une substance psychoactive addictive les cigarettes électroniques récemment arrivées sur le marché délivrent autant de nicotine que le tabac.
 
Bien choisir sa cigarette électronique et ses liquides…

La qualité des produits s’améliore considérablement car le contenu des liquides n’est plus un secret : 80% de composés de qualité pharmaceutiques sont contrôlés et certifiés, avec une part d’inconnu, celui des produits dits « alimentaires », les arômes, couramment utilisés dans l’industrie alimentaire mais qui n’ont pas vocation à être chauffés ni inhalés.
 
Conditions de fabrication aléatoires

La cigarette électronique, de plus en plus sophistiquée, n’a pas bénéficié des mêmes progrès sur la sécurité des matériaux : fabriquées dans des conditions parfois floues, on peut douter de la constance de la qualité des matériaux utilisés. Majoritairement fabriquées en Chine, les e-cigarettes peuvent être sensible à une température élevée, c’est l’effet « cocotte-minute » : si l’on ne remplit pas le contenant avec suffisamment d’e-liquide, la chaleur forte brûle le matériau qui peut dégager des substances toxiques pour les bronches (formaldéhyde, acroléine). Les métaux utilisés pour les atomiseurs ont eux aussi tendance à se dégrader et à libérer par exemple du plomb quand ils sont mal fabriqués. Cela pose un réel problème de santé. En attendant des normes de fabrication, les fabricants et vendeurs doivent être très attentifs à bien informer les clients de l’importance d’une bonne utilisation afin d’éviter les risques de mésusage, Une démarche difficile à faire via le web, où les produits sont accessibles à tous.
 
A quand une norme ?

Fort heureusement, une norme donnant un cadre est en cours de préparation et va pouvoir être appliquée très prochainement en France (AFNOR), en attendant une reprise par le Comité Européen de Normalisation (CEN). Pour le Pr Dautzenberg, président de la commission AFNOR, l’objectif est de disposer avant tout d’une norme française et européenne qui pérennise le cadre, avant de poursuivre la démarche au plan mondial. Grâce à elle, les produits vont être décrits très clairement, les substances interdites (éléments cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) listées, les allergènes respiratoires ou alimentaires identifiées, la présence d’alcool, même en petite quantité, mentionnée. 65% des liquides sont désormais fabriqués et contrôlés en France, garantissant leur qualité. Il reste une petite incertitude pour les arômes, mais depuis un an, les grands aromaticiens de Grasse travaillent activement sur le dossier.
 
La réglementation

Ni produit du tabac, ni médicament, ni dispositif médical., la cigarette électronique est difficilement «classable », d’où la difficulté de la faire entrer dans un cadre réglementaire qui reste pour l’instant très flou et varie d’un pays à l’autre en attendant juin 2016. Si certains pays comme la Grande-Bretagne, voulaient la ranger dans la catégorie médicament, la France ne prend pas cette orientation et l’Europe a refusé d’imposer ce statut aux pays membres, et place la cigarette électronique comme un produit de consommation courante particulier. Le vapotage dans les lieux publics rencontre les mêmes hésitations ; La ministre de la santé a voulu l’interdire, suite au rapport de l’Office Français du Tabac. Dans ce vide règlementaire, rien n’est pour l’instant tranché et il reste le plus souvent permis de l’utiliser, selon la bonne volonté d’autrui. Les risques du tabagisme passif ne sont cependant pas du même ordre que celui du tabac, car les émissions des cigarettes électroniques restent 10 à 15 secondes en suspension dans l’air, contre 18 à 20 minutes pour les fumées de cigarettes, dont les émanations sont plus toxiques.
 
A qui profite –t-elle ?

La cigarette électronique est au coeur d’un business qui rapporte beaucoup d’argent (près du triple que les médicaments d’arrêt du tabac). Peu taxée, contrairement à la cigarette, elle devient l’enjeu de convoitises de nombreux acteurs, dont les cigarettiers qui ont compris la manne qu’elle représente. Serait-elle un moyen de reconquérir des parts de marché en incitant les gens à vapoter afin de leur faire ensuite franchir le pas vers la cigarette ? Si l’on observe le marché mondial, les cigarettiers rachètent des fabricants de cigarette électronique… un indicateur qui ne trompe pas. En Angleterre et aux Etats-Unis, 20 à 30% d’entre eux vendent des cigarettes électroniques. Mais bonne nouvelle, cette industrie du tabac est bloquée en France par les fabricants de cigarette électronique qui affichent leur volonté de se démarquer. La FIPAVE, principal syndicat professionnel du secteur, indique dans ses statuts l’interdiction pour ses membres de s’associer avec un cigarettier, sous peine d’être exclu…
 
La cigarette électronique est un moindre mal

Telle pourrait être la conclusion des deux spécialistes qui partagent en effet les mêmes constats, se posent les mêmes questions et se mobilisent en faveur d’une réglementation qui permettra d’encadrer idéalement la pratique et de limiter les risques. Car si la cigarette électronique constitue un très bonne alternative au tabac à visée de désintoxication, elle n’en demeure pas moins source d’addictions et de danger si elle est mal utilisée.
 
Pour le Professeur Thierry Urban, « la cigarette électronique est un excellent outil pour les patients en quête de solutions dans l’arrêt du tabac. Si un patient n’y arrive pas à l’aide de substituts nicotiniques, ou en est demandeur, je la lui conseille en le prévenant des inconnus, qui semblent cependant moins graves que le tabac , un tueur avéré qui fait perdre 10 ans d’espérance de vie ! Ma crainte réside dans un usage détourné de l’outil à des fins commerciales ».
 
Le Professeur Bertrand Dautzenberg répond qu’il peut être amené à proposer la cigarette électronique dans le cadre de ses consultations, mais de manière subtile, dans la mesure où ce n’est pas un médicament. Il compare cela aux recommandations à pratiquer une activité physique pour réguler son alimentation. « Après enquête, on observe que 65% des tabacologues interrogés ont parlé et accepté la cigarette électronique dans leur approche thérapeutique. Certains la considèrent comme un produit du tabac, d’autres comme outils de sevrage. Peu importe, l’essentiel est d’en parler, de donner des réponses, car les patients, eux, sont demandeurs. Il y a une chute de 50% de l’utilisation des patchs nicotiniques car les médecins généralistes ont pour la plupart arrêté de parler du sevrage tabagique. Ne pas donner d’orientation à ses patients équivaudrait à dire que le tabac n’est pas un problème médical.

Article publié le 29/01/2015 à 18:11 | Lu 3237 fois