Apnée obstructive du sommeil, encore bien des marges de progrès, par le Dr Yves Grillet

Le syndrome d’apnée obstructive du sommeil touche un nombre de patients considérable. En France, plus de 500.000 personnes sont déjà traitées par pression positive continue. Mais on estime que près des deux tiers des patients qui en auraient besoin ne sont même pas encore diagnostiqués ! Le point avec le docteur Yves Grillet, pneumologue, responsable sommeil de la Fédération Française de Pneumologie (FFP).


Penser à le rechercher

Il s’agit le plus souvent d’hommes, âgés de plus de 40 ans. Les femmes sont moins touchées, en tout cas avant la ménopause. « Après, elles sont aussi nombreuses, précise Yves Grillet. Les enfants peuvent également être concernés, probablement beaucoup plus souvent qu’on ne le pense ».

A tout âge, les signes qui doivent alerter les proches sont des ronflements et des pauses respiratoires durant le sommeil. « Dans la journée, les patients sont somnolents et ont des difficultés à se concentrer. Ils sont très fatigués, et donc s’énervent facilement, signale Yves Grillet. Leurs nuits ne sont pas ou peu réparatrices, avec un impact majeur sur leur qualité de vie ».
 
Adopter une vision globale

Au-delà, le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) est très souvent associé à d’autres pathologies (comorbidités). « On ne considère plus, aujourd’hui, ce syndrome comme une pathologie isolée, souligne Yves Grillet. Son diagnostic posé, il faut entreprendre un bilan complet à la recherche notamment d’une hyperlipidémie, d’une hypertension artérielle et d’un diabète, puis les traiter le cas échéant ».

A l’inverse, une hypertension artérielle non stabilisée avec plusieurs antihypertenseurs, des troubles du rythme cardiaque récidivant ou un diabète mal contrôlé doivent faire rechercher un SAOS.

De même, l’existence d’une acromégalie, qui entraine une augmentation du volume de la langue (macroglossie), accroît considérablement le risque d’apnées du sommeil. Combien de patients apnéiques connus ont, sans le savoir, une acromégalie ? Une étude en cours s’attache à le déterminer. « Ses résultats ne sont pas encore définitifs, mais ils réservent des surprises » révèle Yves Grillet.
 
La télé-observance fait débat ? Pas la télésurveillance !

Du côté du traitement, et même si des pistes de recherche intéressantes existent, seuls deux dispositifs médicaux sont disponibles en France à l’heure actuelle : l’appareil de ventilation à pression positive continue (PPC) et l’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM).

Le choix de première intention dépend de la sévérité du syndrome, évaluée par l’indice d’apnées-hypopnées (IAH). Une fois le patient traité par PPC, il est possible de suivre l’IAH à distance, grâce à des capteurs installés sur l’appareil de ventilation. Ils peuvent aussi mesurer et télétransmettre le nombre d’heures d’utilisation de l’appareil par le patient : c’est ce que l’on appelle la télé-observance.

Début 2013, deux arrêtés avaient d’ailleurs conditionné le remboursement d’un traitement par PPC à sa bonne utilisation, jugée sur les seules données de télé-observance. Une grande première en France, motivée par des raisons sanitaires, mais aussi économiques…
 
« Les arrêtés ont été annulés par le Conseil d’Etat le 28 novembre dernier, explique Yves Grillet. La polémique est close, et c’est une bonne chose. Il est temps désormais d’envisager l’adoption de la télésurveillance, que les professionnels de santé et les patients appellent de leurs voeux depuis longtemps. Elle replace la transmission des données dans le champ de la médecine, là où la télé-observance ne relevait que de considérations administratives, liées au remboursement ».
 
La télésurveillance a pour objectif d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Elle s’appuie sur des données relatives au suivi du traitement associées à bien d’autres paramètres, comme l’index d’apnées résiduelles sous traitement, un indicateur de choix de l’efficacité thérapeutique.
 
Un nouvel e-accompagnement

L’intérêt de ces données enregistrées au domicile du patient pourrait même être décuplé en les croisant avec d’autres sources. « Depuis 2007, les médecins nourrissent une base de données cliniques, l’Observatoire sommeil de la Fédération de pneumologie. Il rassemble déjà près de 86.000 dossiers, indique Yves Grillet. D’autre part, à l’instigation de la Fédération française de pneumologie, une plateforme destinée aux patients atteints d'un syndrome d'apnée du sommeil et traités par PPC, Eduk’Apnée, est en cours de déploiement. Sur cet outil de suivi et d’accompagnement en ligne18, le patient peut notamment faire part des effets indésirables de son traitement. A terme, pourvoir agréger les données de la télésurveillance avec celles de l’Observatoire sommeil et d’Eduk’Apnée permettrait de concevoir des systèmes d’alerte, susceptibles d’améliorer encore la prise en charge ».

Publié le 26/01/2015 à 11:04 | Lu 3416 fois