Anévrisme de l'Aorte Abdominale : dépister davantage et traiter plus tôt

Près de 500 chirurgiens vasculaires se sont réunis à Grenoble (Isère) du 24 au 27 juin derniers à l’occasion de leur 31ème Congrès, afin d’échanger sur les avancées dans le traitement chirurgical et endovasculaire des maladies artérielles et veineuses. Ils ont choisi cette année de mettre l’accent sur l’Anévrisme de l’Aorte Abdominale (AAA) pour trois raisons principales. Explications.


- Cette dilatation de la plus grosse artère du corps est l’une des maladies les plus graves que sont amenés à traiter les chirurgiens vasculaires*. Plus il se dilate, plus l’anévrisme est susceptible de se rompre, entraînant alors un risque élevé de décès (80% des patients décèdent avant hospitalisation ou en périopératoire) alors que le dépistage permet de réduire la mortalité à 3%.
 
- Malgré des initiatives comme l’opération Vésale en 2014-2015, qui ont fait progresser le dépistage de l’AAA, on estime qu’il reste sous-diagnostiqué dans la population, notamment du fait de l’évolution silencieuse de cette maladie.
 
- C’est l’une des pathologies vasculaires qui ont le plus bénéficié des progrès médicaux et technologiques accomplis ces trente dernières années -en particulier du développement des endoprothèses- permettant aujourd’hui un traitement par des techniques moins invasives. 
 
Près de 10.000 patients sont opérés chaque année en France pour un AAA, dont la moitié environ en endovasculaire : auparavant réservée aux patients à haut risque chirurgical, cette technique (consistant à introduire la prothèse via une petite incision jusqu’au lieu de la lésion), moins invasive que la chirurgie ouverte s’est progressivement étendue, du fait de ses bons résultats. Mais tous les patients n’y sont pas éligibles d’un point de vue anatomique. 

L’aorte est une artère principale de l’organisme qui naît à la sortie du cœur, descend dans le thorax et l’abdomen en donnant de nombreuses branches qui vont permettre l’irrigation en oxygène du cerveau et des différents organes. L’aorte abdominale mesure en moyenne 18 mm de diamètre chez l’homme

« La gravité de cette maladie, l’absence fréquente de symptômes ressentis par le patient, la proportion encore trop importante d’anévrismes opérés en rupture, toute cela justifie de continuer à alerter l’opinion et nos confrères généralistes sur le dépistage par échographie (NDR : non obligatoire mais remboursé) des personnes à risque, en premier lieu les hommes fumeurs de plus de 65 ans et les personnes à partir de 50 ans lorsqu’elles ont des antécédents familiaux », souligne le Pr Jean-Luc Magne, président 2016 de la SCVE, chef du service de chirurgie vasculaire au CHU de Grenoble. 
 
Lorsqu’un anévrisme est dépisté à froid, une surveillance et un contrôle des facteurs de risque (tabac, hyper-cholestérolémie, hypertension) suffisent. Si l’anévrisme dépasse 5 cm de diamètre ou qu’il grossit de plus d’un cm par an, un traitement est proposé, qui peut être soit endovasculaire, soit chirurgical. A noter que le traitement endovasculaire dispose de meilleurs résultats en termes de mortalité précoce que le traitement chirurgical, mais il demande une surveillance accrue du malade pos-tintervention, notamment pour dépister d’éventuelles « endofuites ». 
 
Tous les centres de chirurgie vasculaire sont à même de prendre en charge un patient atteint d’un AAA, à condition pour les chirurgies ouvertes de disposer d’une unité de soins intensifs (ce qui n’est pas obligatoire pour les procédures endovasculaires).
 
Endoprothèses optimisées, navigation robotisée…
La prise en charge des AAA s’est profondément transformée depuis les années 1990, suite à l’ouverture de la voie endovasculaire. Plusieurs générations d’endoprothèses se sont déjà succédé, avec aujourd’hui des introducteurs plus petits, une navigabilité facilitée, un « largage » simplifié au niveau de la lésion et une meilleure visibilité pour le chirurgien tout au long du geste.
 
La navigation robotisée s’est également développée, notamment l’écho-guidage ou le guidage électromagnétique, qui ne sont pas encore de pratique courante, permettront de réduire le temps d’exposition du patient aux rayons X et diminuer la quantité de produit de contraste. 
 
Les communications scientifiques sur l’AAA effectuées au congrès de la SCVE relayent les avancées des équipes françaises de chirurgie vasculaires. Ces travaux visant à évaluer de nouvelles techniques ou comparer des techniques entre elles, par exemple le traitement chirurgical versus le traitement endovasculaire. Cet accroissement des connaissances et le partage qui en résulte contribuent à l’amélioration continue des pratiques. Le congrès annuel permet aux chirurgiens vasculaires d’échanger sur la place des innovations et d’étudier les modalités de leur intégration aux pratiques quotidiennes, dans les meilleures conditions de sécurité et d’efficacité pour les patients.
 
*Le chirurgien vasculaire est un médecin spécialiste pleinement engagé dans les révolutions de la médecine. Il est le spécialiste du traitement chirurgical et endovasculaire des maladies des artères et des veines de toutes les parties du corps hormis cœur et cerveau. 
 
« Notre spécialité a connu une mutation profonde et rapide au cours des deux dernières décennies. Le développement de l’endovasculaire est une tendance de fond, qui a bouleversé l’approche dans plusieurs des grandes pathologies que nous traitons. L’arsenal des solutions et des outils à notre disposition s’est remarquablement étoffé, permettant de personnaliser de mieux en mieux les réponses apportées à chaque patient. Nous veillons, à travers notre congrès annuel et nos supports d’information, à accompagner ce bouleversement des pratiques, pour qu’il puisse bénéficier aux patients de manière équitable, dans les meilleures conditions de sécurité et le respect des référentiels », déclare le Dr Jean Sabatier, Secrétaire Général de la SCVE.  

Publié le 28/06/2016 à 01:00 | Lu 1895 fois