AAA : sa réputation de tueur silencieux n'est pas usurpée

Trois questions au professeur Jean-Luc Magne, Président de la Société de Chirurgie Vasculaire et Endovasculaire de Langue Française (SCVE) et chef du service de chirurgie vasculaire au CHU de Grenoble. Interview réalisée dans le cadre du 31ème Congrès de la SCVE qui s’est tenu à Grenoble du 24 au 27 juin derniers.


Pourquoi est-il nécessaire de sensibiliser sur l’Anévrisme de l’Aorte Abdominal (AAA) en 2016 ?
Pr Jean-Luc Magne : sa réputation de tueur silencieux n’est pas usurpée. Lorsque l’AAA est opéré « à froid », avant la rupture, la mortalité n’est que de 3%. La mortalité liée aux anévrismes de l’aorte abdominale rompus est élevée : 80 % des patients décèdent avant l’hospitalisation ou en périopératoire. L’objectif est donc de réduire la mortalité liée aux ruptures et de dépister le plus tôt possible, pour intervenir avant les complications.
 
Le dépistage n’a-t-il pas progressé ?
Pr Jean-Luc Magne : si, le dépistage des AAA a progressé, ce qui est une très bonne chose, mais il demeure insuffisant. En 2009 et 2010, la Haute Autorité de santé (HAS) recensait entre 6.000 et 7.000 AAA diagnostiqués par an. Dans certains pays, cette incidence se stabilise voire diminue, alors qu’en France le nombre de cas opérés a augmenté de près de 30% entre 2006 et 2010. La levée des restrictions sur l’endovasculaire et l’augmentation des dépistages par échographie peuvent expliquer cette augmentation.
 
On opère donc moins d’anévrismes en rupture qu’il y a trente ans ?
Pr Jean-Luc Magne : oui, une majorité des opérations est maintenant effectuée à froid, mais la gravité des cas opérés en urgence justifie de continuer à alerter l’opinion. Les médecins traitants ne doivent pas hésiter à proposer le dépistage. La crainte des mauvaises nouvelles ne devrait plus être une barrière : il devient moins risqué d’opérer des personnes, même âgées et avec des comorbidités, que d’attendre la rupture. A partir de 50 mm de diamètre ou si l’anévrisme est douloureux, il risque vraiment de se rompre. 

L’incidence des AAA diagnostiqués et opérés en France était comprise entre 6 000 et 7 000 AAA/an en 2009–2010. Le nombre d’AAA opérés par an a augmenté de 29% entre 2006 et 2010, notamment en ce qui concerne les actes d’endoprothèse. Au total, 91% des séjours concernaient des anévrismes non rompus et 9% des anévrismes rompus. Dans 34% des interventions pour AAA rompu et 3% des interventions pour AAA non rompu, le patient est décédé. (HAS, novembre 2012).

Publié le 29/06/2016 à 01:00 | Lu 1970 fois